Goodluck Jonathan, l’anti-Laurent Gbagbo ou l’initiation du principe de responsabilité politique en Afrique

En reconnaissant humblement sa défaite,  Goodluck Jonathan rompt, au Nigéria, le fil des habituelles violences post-électorales et initie un nouveau commencement. Il institue  une tradition d’alternance pacifique du pouvoir, en dépit de sa présidence marquée par la corruption et par la démission multisectorielle de son régime. Le Nigeria des jours d’après la proclamation du résultat de la présidentielle et la reconnaissance de sa défaite par Goodluck Jonathan  n’est pas secoué, du Nord au Sud et d’Est en Ouest, par des massacres inter-confessionnels et inter-ethniques sur fond de nouvelles vidéos horrifiantes de la secte islamiste Boko haram. C’est un Nigéria apaisé qui vient d’acter l’alternance démocratique et le fair-play de ses dirigeants politiques. C’est un Nigeria qui commence à écrire une nouvelle page de l‘histoire de sa démocratie avec de nouvelles valeurs et de nouveaux principes. Goodluck Jonathan institue en cela au Nigeria une tradition de démocratie apaisée qui pourrait s’inscrire dans la durée, si sa décision faisait école et jurisprudence devenant pour les Nigérians  un exemple. Si ce geste inédit au Nigeria  réussissait à irradier positivement,  en tant que nouveau principe politique, l’élection des gouverneurs de la Fédération le 11 avril prochain, on pourrait voir en Goodluck Jonathan le père de la nouvelle démocratie Nigériane.

A la différence de Goodluck Jonathan,  Laurent Gbagbo initie au contraire en Décembre 2010,  une déflagration de la Côte d’Ivoire en refusant de reconnaître sa défaite électorale après une présidence calamiteuse marquée par la corruption de son  gouvernement, par une justice aux ordres, par les assassinats politiques, les meurtres et le délabrement des institutions publiques. La Côte d’Ivoire des jours d’après le refus par Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale est une Côte d’Ivoire secouée par les violences, par la guerre civile et les massacres de masse. La gouvernance sereine du nouveau Pouvoir élu d’Alassane Dramane Ouattara brisera ce fil maudit de la violence politique en initiant, en Côte d’Ivoire, une tradition de démocratie apaisée à partir de 2011.

La bonne et heureuse décision de Goodluck Jonathan en 2015 à laquelle répond en contre-point la mauvaise et malheureuse décision de Laurent Gbagbo en 2010  aussitôt corrigée par les  bonnes décisions d’Alassane Dramane Ouattara en 2011 font ressortir l’ultima ratio de l’histoire politique et économique du continent africain. L’état général de ce continent dépend et a toujours entièrement dépendu, comme en tous les autres, des décisions des dirigeants politiques des Etats qui, en tant que tels, ne doivent pas se défausser sur des tiers. Pauvreté et richesse des peuples,  défaites  et victoires électorales à l’ère de la démocratie, dépendent des choix des  dirigeants et de leur capacité à répondre aux aspirations et besoins concrets des peuples.

En Afrique Noire le temps est donc venu donc d’abandonner, les logiques d’extraversion dépassées qui appartiennent  au monde des temps anciens. Les dirigeants politiques et peuples africains doivent donc, maintenant,  se tourner vers eux-mêmes et se remettre perpétuellement en question. Le passé influence le présent mais ne le détermine pas. En démocratie le dirigeant politique est investi d’une écrasante responsabilité dont il ne peut se délier en se défaussant sur les diverses conditions externes. En dépit des influences externes, il agit toujours comme dirigeant politique décidant librement dans des Etats indépendants. Il est donc, de manière entière,  politiquement responsable de tout ce qui advient en son Etat.

Sa défaite électorale résulte donc de son  échec politique. Celui-ci est toujours causé par de mauvaises décisions et de mauvais choix économiques et politiques ne répondant pas aux attentes réelles des populations. Sa victoire électorale résulte, au contraire, de son succès politique qui est toujours causé par des décisions pertinentes et de bons choix économiques et politiques répondant aux attentes réelles des populations.

A l’opposition ivoirienne, la victoire de Mohammadu Buhari enseigne que la réputation et la crédibilité comptent en politique. Malgré son passé d’autocrate,  l’homme est resté dans la mémoire des nigérians comme un homme intègre qui avait mené une guerre sans merci contre la corruption et tenté de promouvoir  une certaine redistribution équitable des ressources nationales. En mars 2015, cette réputation morale fut un capital électoral décisif dans un Nigeria en attente de régénération éthique. Sa réélection triomphale a été le résultat de la correspondance entre l’offre politique qu’il proposait à la population nigériane et les demandes et attentes de cette dernière. La défaite électorale de Goodluck Jonathan au Nigeria enseigne donc à l’opposition ivoirienne que sa propre  possible défaite électorale au concours de sélection du magistrat suprême en Octobre 2015  prochain,résultera sûrement de la vacance et du flou de son programme politique,  de son incapacité à convaincre quant à son aptitude à diriger à nouveau la Côte d’Ivoire. Elle résultera aussi, vraisemblablement, du souvenir terrifiant de la  décennie de feu, de sang, de mort et de malheur qui habite encore la conscience d’une majorité d’ivoiriens et que n’a pas effacé la démagogie de sa propagande électorale dont nul n’est dupe. Pour espérer remporter le vote de la majorité du peuple ivoirien l’opposition ivoirienne, fut-elle maintenant en coalition,  devra s’attacher à proposer au peuple ivoirien une offre politique crédible et à corriger, par la pratique, sa réputation qui est aux antipodes de celle de Mohammadu Buhari. Le geste historique de Goodluck Jonathan acceptant sa défaite avec un Fair-Play démocratique enseigne donc à cette opposition qu’elle devra assumer l’entière responsabilité de son échec sans contester le résultat du vote et sans se défausser sur des tiers.

La même exigence de responsabilité politique est valable pour le gouvernement ivoirien. Aucune élection démocratique sérieuse, telle celle de 2010, n’étant gagnée d’avance, son éventuelle défaite électorale ou sa possible victoire à la présidentielle d’octobre 2015 résulteront respectivement d’un décalage ou d’une correspondance entre sa gouvernance et les attentes réelles du peuples ivoirien. Son bilan milite en sa faveur. Il devra pourtant l’affermir en gagnant les cœurs par une campagne de proximité qui saute par-dessus les baronnies et les griots pour aller à la rencontre des peuples et des talents.

Les compétiteurs de la Présidentielle ivoirienne d’Octobre 2015 devront donc, à l’exemple de Goodluck Jonathan et de Mohamed Buhari au Nigeria, assumer en responsabilité cette double issue du vote démocrate qui résulte toujours du verdict du peuple souverain sanctionnant ou approuvant une équipe de gouvernement selon ses attentes profondes. L’Afrique a changé. Les peuples sont informés. Les élections africaines sont contrôlées, surveillées et placées sous le regard inquisiteur du monde entier. Les dirigeants politiques africains doivent se mettre à l’Equerre et être à l’écoute des peuples.

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