Goodluck Jonathan, l’anti- Laurent Gbagbo

La leçon décisive délivrée à l’Afrique Noire par l’élection nigériane est le fair- play démocratique exemplaire de Goodluck Jonathan qui a reconnu humblement sa défaite dans les urnes et en a assumé l’entière responsabilité sans recourir à des faux-fuyants, sans désigner des boucs émissaires et sans mettre le feu au Nigeria pour tenter de conserver le pouvoir. L’opposition ivoirienne qui semble ne retenir de l’élection présidentielle nigériane que l’efficacité stratégique de la coalition à candidature unique dévoile, en cette polarisation sur l’instrumentalité, son manque de vision politique et son incapacité à assurer la direction d’un pays! Dénonçant une prétendue « dictature » du RHDP elle brocardait en effet, il y a peu de temps, le principe même de la coalition politique à candidature unique en démocratie. Réduisant la démocratie multipartisane au pluralisme sauvage des candidatures partisanes et individuelles, elle semblait en effet réduire la finalité de la démocratie à la lutte pour la prise du pouvoir et sa conservation

En Côte d’Ivoire, la leçon démocratique de Goodluck Jonathan préservant le Nigeria d’un bain de sang, nous renvoie donc au refus par Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale en 2010, à son refus de l’alternance démocratique du pouvoir qui plongea la Côte d’Ivoire dans un bain de sang ! Goodluck Jonathan administre  au parti de Laurent Gbagbo, maintenant dans une opposition qu’il  refuse d’assumer, une magistrale leçon de démocratie et de responsabilité politique. Le geste exemplaire de Goodluck Jonathan rappelle au parti de Laurent Gbagbo et à ses affiliés qu’ils devront  consentir humblement à leur probable défaite en octobre 2015 prochain sans crier au complot. Comparons donc Laurent Gbagbo et Goodluck Jonathan à partir des mots prononcés et des actions engagées par l’ex-chef d’Etat Nigérian au soir de sa défaite. 

"Je remercie tous les Nigérians, une fois de plus, pour l'immense opportunité qui m'a été donnée de diriger ce pays (…) J'ai transmis mes vœux personnels au général Muhammadu Buhari". "Aucune ambition personnelle ne vaut le sang d'aucun Nigérian". C’est par ce fair-play et ces mots simples que Goodluck Jonathan a préservé le Nigéria d’un bain de sang, agi en démocrate et confirmé dans la défaite, sa stature d’Homme d’Etat responsable.

En Côte d’Ivoire  on aurait voulu entendre Laurent Gbagbo prendre une décision similaire et prononcer ces mots courageux après sa défaite électorale à la Présidentielle de 2010. Mais, on le sait, contre la saine raison humaine et contre la responsabilité de l’Homme d’Etat,  l’individu Laurent Gbagbo s’était, par ambition personnelle illimitée, accroché au fauteuil présidentiel, avait déclenché des massacres punitifs et plongé  la Cote d’Ivoire dans un amok sacrificiel.

A la différence de Goodluck Jonathan qui rappela à l’ordre certains de ses partisans zélés prêts à contester le résultat de l’élection présidentielle et à en découdre pour plonger le Nigeria dans le chaos,  Laurent Gbagbo et sa garde rapprochée crièrent au vol de leur victoire en dépit de leur défaite manifeste dans les urnes. Ils célébrèrent Damana Pickas comme un héros national, ordonnèrent la répression des manifestations de protestation de l’opposition et décidèrent de s’approprier l’Etat contre la volonté de la majorité du peuple.

Laurent Gbagbo aurait donc dû reconnaitre sa défaite électorale en Décembre 2010 en Côte d’Ivoire comme Goodluck Jonathan vient de reconnaître sa défaite électorale au Nigéria en Mars 2015. Goodluck Jonathan ne s’est pas accroché au pouvoir en dépit de sa défaite en accusant les rebelles de Boko Haram et les leaders politiques musulmans du nord de l’avoir empêché de gouverner comme Laurent Gbagbo l’avait  fait en accusant la rébellion du nord qu’il avait largement provoquée par sa politique de discrimination et de ségrégation. Goodluck Jonathan a assumé courageusement sa défaite qui fut le résultat de l’incurie de son régime et de son incapacité à assurer la sécurité des populations du nord du Nigeria. Comme Goodluck Jonathan, Laurent Gbagbo aurait donc dû reconnaitre sa défaite qui fut une sanction infligée à son régime par la majorité du peuple ivoirien après dix années  de déréliction et malheurs absolus. Sa défaite fut le résultat de son échec politique. Son éviction ne fut pas, comme le raconte la fable montée de toute pièce par un régime irresponsable, le fait d’un complot ourdi par la France, par des néo-colons étrangers, par des puissances étrangères, par les multinationales, par l’ONU, par les Japonais et que sais-je encore.

Au geste politique historique de Goodluck Jonathan reconnaissant sa défaite  en démocrate et en homme d’Etat, téléphonant à son adversaire Mohamed Buhari et appelant ses partisans au respect du résultat des urnes par ces mots "Aucune ambition personnelle ne vaut le sang d'aucun  Nigérian", il faut opposer comme anti-modèle négatif absolu de la démocratie ,le refus de reconnaître sa défaite par Laurent Gbagbo, la désignation d’Alassane Dramane Ouattara par ce dernier  comme un ennemi public et l’appel à la répression de l’opposition . Au pacifisme du démocrate Goodluck Jonathan, il faut opposer, comme anti-modèle absolu, le bellicisme du dictateur Laurent Gbagbo, de son épouse et de son parti  appelant leurs partisans, leurs milices et leurs armées à lancer des assauts et des expéditions punitives meurtrières contre leurs adversaires politiques pour tenter de conserver le pouvoir. (A suivre)

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