Quel modèle démocratique choisir pour unir à nouveau les ivoiriens ?

Après avoir été unis  sous le modèle de la République dans  l’Etat mobilisateur à parti unique, les Ivoiriens se sont divisés dans  la démocratie multipartisane et se sont affrontés dans une guerre civile où la revendication identitaire a pris le dessus  sur la citoyenneté. A l’approche de la Présidentielle, la violence des discours et la démission symbolique du président de la CDVR qui s’est déclaré candidat à la magistrature suprême sous thème de la défense identitaire tendent à prouver que la réconciliation des ivoiriens   est prise en otage parce que certains acteurs politiques récusent le modèle démocratique actuellement appliqué en Côte d’Ivoire.

Il faut donc explorer les divers modèles démocratiques pour identifier celui qui pourrait permettre de  réaliser  cet objectif ultime : Faire revivre ensemble les ivoiriens dans la fraternité et l’hospitalité comme le proclame l’Hymne National ; refaire coexister les ivoiriens dans le sentiment d’appartenance commune qui les a toujours unis. Il s’agit donc d’évaluer, dans cette enquête, le modèle démocratique correspondant le mieux à la réalité sociale de la Côte d’Ivoire, société multiethnique et pluriconfessionnelle cosmopolite.

Trois modèles historiques s’offrent à notre investigation, la démocratie du communautarisme ethnique, la démocratie populaire du communisme révolutionnaire, la démocratie électorale représentative du libéralisme.

La Côte d’Ivoire étant une société multiethnique et multiconfessionnelle, la démocratie du communautarisme ethnique et confessionnelle n’est-elle pas le modèle le plus adapté à la réalité sociale du pays ? Un certain nombre d’acteurs politiques ivoiriens semblent avoir opté pour ce modèle. La démocratie se définissant comme pouvoir du peuple et gouvernement des représentants du peuple, il faut, selon ces acteurs politiques, redonner le pouvoir au peuple. Néanmoins en cette acception communautaire de la démocratie, le peuple est constitué par les autochtones qui ne peuvent être politiquement représentés que par des autochtones. Le Pouvoir politique doit incarner l’identité d’une communauté. L’harmonie sociale résulterait de la correspondance parfaite entre la réalité sociale et le gouvernement. Ainsi ce n’est qu’en instituant un Etat communautaire dirigé par des autochtones que le problème de la division sociale, provoqué par le mélange de peuples différents aux coutumes opposées, pourrait être résolu. L’unité sociale procéderait donc de l’homogénéité de la société, de l’élimination de l’hétérogénéité en son sein. Or cette unité communautariste d’un corps social homogénéisé résulte de l’exclusion de l’altérité et de la diversité qui définissent pourtant l’ADN de la Côte d’Ivoire

On voit donc clairement que le modèle de type communautaire de la démocratie  n’est pas la solution au problème de la réconciliation. Il est plutôt la cause de la désintégration du corps social ivoirien parce qu’elle croit résoudre le conflit social en expulsant l’altérité et la différence. La démocratie du nationalisme communautaire se traduit concrètement par une politique de purification ethnique et confessionnelle qui procède par des massacres de masse. Historiquement, ce type de démocratie s’est réalisé concrètement dans le monde,  sous la forme du nazisme et du fascisme. Etant donc antidémocratique par essence, le modèle de la démocratie identitaire doit être rejeté en Côte d’Ivoire. Les candidats à la présidentielle qui s’en revendiquent proposent à la Côte d’Ivoire un modèle politique disqualifié et dangereux.

 Evaluons maintenant le modèle de la démocratie populaire, qui est l’option de certains acteurs politiques ivoiriens. Ces derniers pensent que la Côte d’Ivoire est divisée par ce qu’une minorité d’exploiteurs détenant indûment l’Etat et opérant en qualité de relais locaux du néocolonialisme, des multinationales et des intérêts étrangers, domine le peuple. Il faut donc réunifier le corps social ivoirien  en supprimant cette domination de classe et en restituant le pouvoir à la catégorie sociale majoritaire des dominés qui, en cette acception, constitue le peuple. Pour réconcilier la Côte d’Ivoire avec elle-même, il faut donc l’homogénéiser en la purgeant des minorités dominantes, des exploiteurs et des traitres. Ce processus d’homogénéisation réconciliateur  passe par une mobilisation sociale et un discours idéologique dirigés contre des ennemis intérieurs de classes, contre le néocolonialisme, les multinationales et le capitalisme financier. La suppression de la division sociale s’obtient par la stigmatisation et la discrimination des minorités, par la chasse aux ennemis intérieurs du peuple, par  l’anéantissement des catégories sociales jugés illégitimes. On voit clairement que, par son caractère discriminatoire et ségrégateur, le modèle populaire de la démocratie porte atteinte à la réalité sociale de la Côte d’Ivoire parce qu’il désintègre nécessairement une société originellement diversifiée.

 Loin d’être une solution, le modèle populaire de la démocratie est un obstacle à l’unité de la pluralité sociale parce qu’il porte en son cœur la division sociale. Il repose sur la violence d’une oligarchie politique qui se substitue au peuple et parle en son nom. Historiquement, il s’est concrètement réalisé sous la forme de la dictature stalinienne et ses variantes qui se sont toujours alliées aux forces nationalistes pour combattre et anéantir les ennemis de classe et les étrangers jugés indésirables. En Côte d’Ivoire la nouvelle coalition de l’opposition ivoirienne semble incarner un exemple de cette  alliance historique de la démocratie populaire et du nationalisme communautaire. Le modèle de la démocratie populaire doit donc être rejeté parce qu’il divise le corps social et transforme l’adversaire social en un ennemi extérieur à anéantir.

Interrogeons maintenant le modèle de la démocratie libérale électorale- représentative, qui se définit contre les deux modèles précédents? Est-il le modèle démocratique qui relie les différences  et permet à la diversité des peuples, des individus et des intérêts de coexister et de vivre ensemble ? (A suivre)  

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