Comment lutter efficacement contre le djihadisme de la terreur en Afrique Noire ? Le paradoxe africain (2èm partie)

Un mois après  les effroyables massacres perpétrés par le djihadisme de la terreur à Charlie hebdo et à Montrouge, il est nécessaire de tirer les leçons de ces événements pour l’Afrique noire  qui s’était sentie  à juste titre concernée et avait pris position. La lutte contre le djihadisme de la terreur est en effet  un combat pour la survie de la République et de la Démocratie. Elle est aussi un combat contre les politiques de prédation qui génèrent les djihadismes de la terreur, les divers sécessionnismes et les replis défensifs meurtriers sur les identités confessionnelles et ethniques.

En Afrique noire, les marches républicaines spontanées du 11 janvier 2015 furent celles de la défense de l’ordre républicain et de la Démocratie contre les  dictatures  confessionnelles et ethniques! On a marché pour sauvegarder le modèle républicain et démocratique pluraliste et pour rejeter les autocraties, les  modèles politiques homogénéisants, ségrégationnistes et les politiques prédatrices qui vont avec. On a marché pour défendre la dignité humaine et le respect des droits humains  contre  les massacres et les inhumanités perpétrées par les diverses dictatures du continent. On a marché pour rappeler l’urgence d’une intervention internationale contre le djihadisme de la terreur au Nigeria et ailleurs en Afrique. On a marché pour défendre les valeurs de la liberté contre celles de l’oppression et de l’asservissement.

Mais, en Afrique Noire, la mobilisation républicaine spontanée qui avait soulevé les populations dans de nombreux pays est cependant retombée. A travers des manifestations anti-Charlie-hebdo, une problématique de défense identitaire de type confessionnel s’est substituée  à la problématique  républicaine, démocratique, humaniste et morale qui inspirait la mobilisation contre le djihadisme de la terreur de boko haram.

Dans certains pays, un mot d’ordre de défense identitaire de type confessionnel : «  je suis musulman ; j’aime le Prophète »  avait étrangement remplacé le mot d’ordre républicain de solidarité humaniste transfrontalière  de départ  « je suis Nigérian, je suis Africain » qui transcendait les solidarités ethniques et confessionnelles. Les nationalismes étriqués des appartenances confessionnelles et ethniques  s’imposent au détriment du sentiment d’appartenance commune et de solidarité humaniste transfrontalière noué par le partage en commun des  valeurs politiques de la Démocratie et de la République qu’avaient révélé les marches républicaines spontanées. Au Nigéria,  épicentre du djihadisme de la terreur, la campagne électorale  s’organise d’après  les référents ethniques, confessionnels et régionalistes. « Les partisans du président Jonathan, un Ijaw chrétien issu de la région de Bayelsa (sud), ont dépeint Muhammadu Buhari, un Fulani musulman originaire de Katsina (nord), comme un islamiste extrémiste. » note le Journal Le Point dans sa parution du 06 janvier 2015.  Or, face à boko haram, la légitimité du pouvoir nigérian devrait être construite sur l’aptitude des candidats à incarner et à défendre les valeurs de la République et de la Démocratie.

En Afrique Noire, semble donc être perdu l’esprit de la marche républicaine du  11 janvier 2015 qui devrait orienter la traque militaire et politique de boko haram et éclairer les lanternes dans la résolution des conflits qui sévissent sur le continent, de la Libye, du Mali à la Centrafrique en passant par le Soudan-Sud, la Somalie et le Congo pour ne citer qu’eux.

La problématique de la lutte contre le djihadisme,  qui devait être résolue  dans le cadre d’une réponse collective impliquant les sociétés civiles et les Etats dans une synergie républicaine et démocratique, est devenue une problématique  sécuritaire étatique de sauvegarde des équilibres régionaux. Des souverainetés concurrentes, bien souvent instrumentalisées par les pouvoirs établis, s’allient de manière opportuniste contre l’ennemi djihadiste commun. La mobilisation contre le djihadisme de la terreur en Afrique noire est désormais régie par une problématique  de sauvegarde d’intérêts économiques et géostratégiques étatiques, contre des forces de désordre régional. Cette mobilisation, exclusivement sécuritaire et confinée au domaine des Etats,  est aux antipodes  du projet  politique et éthique collectif  qui devait inspirer la mobilisation globale contre boko haram.

Il est donc vital de ramener le curseur  sur le caractère  politique et axiologique  de la lutte contre le djihadisme de la terreur.

La lutte contre boko haram est entreprise contre un modèle régressif de société et contre ses anti-valeurs. L’engagement militaire est ici requis pour défendre la République et la Démocratie contre les dictatures confessionnelles et ethniques qui procèdent elles-mêmes des politiques de prédations. Cela pose naturellement la question de l’engagement militaire des autocraties en première ligne dans le combat contre une autre forme de dictature. La secte djihadiste boko haram menace le développement économique et l’émancipation sociale et politique en Afrique noire en raison du projet de société anti-démocratique et anti-républicain qui commande ses actions militaires, et en raison de la mise en œuvre systématique de ses anti-valeurs. La dévastation humaine, sociale et économique qu’entraînent les actions militaires de boko haram matérialise dans les faits l’état économique, social et politique qu’instituerait un califat fondamentaliste, autrement dit une dictature confessionnelle fondée sur l’éradication de la différence, la déportation et l’extermination des minorités.

Contre boko haram et ses variantes maliennes et somaliennes, il ne suffit donc pas de mobiliser une puissance militaire. Il faut aussi mobiliser l’autorité politique, juridique et morale individuelle et collective décisive qui permet de combattre la terreur et l’abomination. La force et la puissance militaires sont en effet toujours impuissantes quand elles ne sont pas limitées et augmentées par l’Autorité au sens moral et spirituel du terme. Pour lutter contre le djihadisme de la terreur, est alors requise une mobilisation collective continentale inspirée par les valeurs de la République et de la Démocratie. La réponse collective à apporter au djihadisme de la terreur est celle de l’unité républicaine des peuples d’Afrique Noire.  C’est en tant qu’individualité politique et morale, opposant les valeurs de la liberté, de l’égalité, de la dignité humaine, de la solidarité fraternelle humaniste et de la vie aux anti-valeurs de la mort, de l’inhumanité, de la dévastation de  l’oppression et de la ségrégation, que l’Afrique Noire luttera efficacement contre le djihadisme de la terreur.

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