Le moins qu’on puisse dire à propos du RHDP est que la Grande Coalition politique ivoirienne ne semble plus faire l’affaire d’un nombre important de personnes dans le vivier politique ivoirien. La pérennité du RHDP semble contrarier des plans individuels. La grande coalition, qui permit de restaurer le républicanisme et de sauvegarder la démocratie en Côte d’Ivoire, n’est plus appréhendée dans sa pertinence politique. Passée la terreur inspirée par les escadrons de la mort, bras armés de la dictature, qui surgirent du ventre criminel de l’ethno-nationalisme et menacèrent de manière indiscriminée la vie des uns et des autres, nous avons donc retrouvé nos reflexes égocentrés. La grande coalition ivoirienne est maintenant exclusivement perçue comme un dispositif de dévolution et de conservation patrimoniales du Pouvoir. Beaucoup y voient donc un signe de restauration du parti unique et en appellent à son abrogation.
Dès lors, il importe de poser la question de savoir si les Grandes coalitions partisanes, dont relève le RHDP ivoirien, appartiennent aux spécificités des dictatures et des partis uniques africains, ou sont plutôt des dispositifs démocratiques pérennes que l’on rencontre en certaines situations dans les systèmes pluralistes multi-partisans des démocraties constitutionnelles.
Procédons par la méthode question/réponse pour résoudre ce problème important en cette année électorale 2015.
Posons donc une première question : En Côte d’Ivoire, une grande coalition constitue-t-elle une menace pour la démocratie ? Sacrifie-t-elle les deux grands partis ivoiriens, le PDCI et le RDR, sur l’autel d’ambitions personnelles ?
Commençons par attirer d’abord l’attention sur le fait que dans tous les régimes parlementaires multipartites, de Grandes coalitions entre deux grands partis politiques aux idéologies opposées ou communes se sont souvent formées en situation de crise dans l’histoire, pour sortir le pays d’une impasse politique ou pour faire face au danger politique représenté par l’extrémisme. La coalition du PDCI et du RDR dans le RHDP a été constituée dans la situation de la crise post-électorale sur la base idéologique commune du républicanisme, de la démocratie libérale et du principe de la citoyenneté, pour faire face à l’extrémisme ethno-nationaliste.
En se revendiquant comme telle dans une Côte d’Ivoire convalescente qui voit resurgir le discours de l’autochtonie, des racines, et des régionalismes ethniques à l’occasion de la Présidentielle 2015, la grande coalition ivoirienne demeure encore, de ce point vue, un cordon sanitaire contre l’extrémisme politique et la dérive ethno-nationaliste. Notre réponse est donc qu’en Côte d’Ivoire le maintien de la Grande coalition, formée par le PDCI et le RDR dans le RHDP pour la présidentielle de 2015, est démocratique et politiquement pertinent. Ce maintien s’inscrit dans la tradition républicaine des Grandes coalitions qui virent le jour en situation de crise dans les démocraties pluralistes constitutionnelles.
Qu’est-ce qui pourrait alors justifier dans l’absolu une candidature séparée du PDCI à la présidentielle 2015 ?
Seul un programme de développement économique et social différent, clairement décliné et exposé sur le socle commun du projet de société républicain articulé par le principe de la citoyenneté, pourrait justifier une candidature partisane séparée du PDCI. Il faudrait que les personnes qui réclament cette candidature séparée puissent opposer à la politique actuelle du gouvernement de coalition, de nouvelles valeurs économiques politiques et morales qui militent pour une intégration nationale supérieure. Pour rompre la grande coalition, il faudrait pouvoir démontrer de manière argumentative, à partir d’un choix idéologique partisan clair, que la politique gouvernementale, actuellement mise en œuvre en Côte d’Ivoire, est une politique de clivage social, de régression économique et politique en contradiction avec le projet républicain d’émancipation nationale qui structura la grande coalition. Les imprécations et condamnations verbales sans preuves argumentées ne sauraient tenir lieu de programme politique.
Certes, la démocratie pluraliste républicaine requiert toujours une compétition réglée de plusieurs partis et de plusieurs personnes pour l’exercice du pouvoir. Mais cette compétition démocratique pluraliste est avant tout une compétition et une concurrence de programmes économiques et politiques, de projets de sociétés, de différentes conceptions du bien commun en vue de l’exercice du pouvoir pour le service de l’intérêt général et de l’intégration nationale.
Lorsque cette compétition des idéologies universalistes, cette concurrence des projets de société et des valeurs républicaines est absente, le pluralisme et la compétition démocratiques sont dévoyés. Ils sont réduits à la compétition des egos, aux conflits des ambitions personnelles, au choc des inimitiés, aux conflits des ethnies, des confessions et des régions que des individus prêts à tout, manipulent pour parvenir à leurs fins égoïstes.
Peut-on alors, en mobilisant l’argument de la temporalité, soutenir que la Grande coalition ivoirienne est devenue caduque dans une démocratie maintenant consolidée après cinq ans ?
(A suivre)
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