Le nihilisme d’une certaine « intelligentsia » africaine face à l’Inconditionnalité des principes de la démocratie.

La crise politique burkinabé a été l’occasion de la manifestation spectaculaire de la déconnexion entre l’intelligentsia et les populations en Afrique. Elle a dévoilé  au grand  jour la marginalité d’une certaine « intelligentsia » qui utilise son statut et sa connaissance exclusivement instrumentale des codes de la modernité comme des armes contre les populations dont elle régente le destin en qualité d’élites de décision dans la haute administration et dans la haute hiérarchie militaire et sécuritaire des Etats.

Alors que les masses citadines et paysannes, les autorités religieuses et traditionnelles du Burkina  Faso récusaient, en accord avec l’esprit du temps, le marchandage du principe inconditionnel  de l’alternance du pouvoir en démocratie avec un admirable bon sens politique et une conscience éthique,  on a vu avec stupéfaction  une certaine autoproclamée « intelligentsia » africaine, insensible à toute idéalité politique et morale, justifier et défendre le marchandage des principes, cautionner la monopolisation du pouvoir ! Lors de la crise burkinabé, cette pseudo « intelligentsia » a actionné frénétiquement la pompe verbale au service de l’inversion des valeurs, de l’enfumage et de la confusion ! Telle une girouette affolée, elle a condamné et défendu, dans le même temps et sous le même rapport, l’alternance du pouvoir et le monopole du pouvoir, l’autocratie et la démocratie, la souveraineté absolue du peuple et la négation de cette souveraineté par un autocrate.  Elle fut alors  appréhendée  en flagrant délit  d’inconséquence manifeste  et de contradiction radicale.

Cette contradiction interne, expression manifeste de la mauvaise foi et des ratiocinations inconsistantes du sophiste patenté, n’a pas échappé au bon sens  et à la saine raison des internautes avisés. Ceux-ci remplirent de commentaires acerbes  le bas de page d’un compte rendu récent du journal en ligne ivoirien Lebanco.net, à propos d’un article emblématique de cette  faillite de l’intelligence.

« La première foule venue, croit-on, est le peuple. La première horde capable de casser, de brûler, de violer et de vilipender sans être punie, est l'expression de la colère légitime et toute-puissante des dieux, qui choisissent inopinément leur camp, en ces carrefours de l'Histoire où, soudain, tout devient possible. La foule, Nietzsche nous en avait prévenus, c'est la canaille. La foule ne pense pas » Auteur Franklin Nyamsi. Source  Cameroon-Info. – Publié dans Lebanco le 10-11-2014    

Ces internautes décelèrent la vacuité d’une argumentation et d’un engagement politique qui violent le principe rationnel de non contradiction, c'est-à-dire le principe de cohérence qui caractérise la pensée sérieuse. Peut-on alors ranger sous la catégorie de la pensée, la rhétorique creuse et pompeuse, habituelle d’un spécimen vibrillonnant de cette intelligentsia faillie, traitant de « canaille », de « horde » et de vandales, les populations du Burkina Faso insurgées contre la révision arbitraire de leur Constitution ?

Ces phrases hallucinantes, pleines de morgue et de mépris, ne proviennent-elle pas de l’esprit désaxé d’un individu privé de mesure et de repère  qui s’enivre de mots pompeux et grandiloquents ?  

On peut en effet parler d’une réduction de la raison à sa forme instrumentale, par une intelligence égocentrée et retorse, quand  les analyses opérées à partir d’une agrégation des connaissances ne s’accomplissent pas dans des synthèses qui  conduisent à la cohérence des positions !  On peut parler  d’une désagrégation de la pensée et d’une vacance du sentiment moral de respect,   quand  les analyses opérées à partir d’un rassemblement des savoirs ne conduisent pas à un engagement éthique.

Le travail de l’entendement analysant les particularités ne devrait-il pas donner lieu à leur unification sous une idée de la raison pratique pure ou, à tout le moins, sous celle d’une raison empiriquement conditionnée dans le pragmatisme qui se situe au dessus de l’habileté ?

La position d’un vrai démocrate et d’un homme de principes n’est-elle pas de rappeler que le principe démocratique de l’alternance du pouvoir ne peut, en aucun cas, être marchandé sur l’autel de l’efficience économiques, de l’habilité diplomatique  ou de l’équilibre sécuritaire d’une région au profit d’un dirigeant politique ?

Ne doit-il pas rappeler, avec force, que la Constitution est au-dessus de tout prix et que le respect du Texte n’est pas négociable ? 

Ici éclate au grand jour l’incapacité d’une frange importante des  élites africaines à être mobilisées  par les différentes formes de la généralité, par les principes et les idéalités qui transcendent les intérêts particuliers et par-dessus tout le leur ! Réduisant les idéaux et les formes pures aux réalités sensibles et contingentes qui les incarnent accessoirement dans le temps, oubliant les valeurs anhistoriques au profit des personnes mortelles, cette « intelligentsia », qui n’en est pas une réellement, sombre dans le fétichisme !

Adoratrice  du  veau d’or, elle s’abîme dans l’hagiographie des puissants,   dans le culte de la personnalité, et bien souvent dans le crime contre l’esprit, pour bénéficier des largesses des Princes qui ne sont pas dupes!

Prête à tout et à tous les reniements pour jouir des plaisirs de Sardanapale, qu’Epicure lui-même condamnait, cette pseudo « intelligentsia » est la canaille à laquelle « la foule »  méprisée aurait pu donner des leçons de Pensée et de Hauteur !

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