Le lien entre Ebola et les politiques de prédation en Afrique

Ebola  suscite  aujourd’hui en Afrique des inquiétudes en raison de sa dangerosité  autant pour la vie des êtres humains  que pour la santé de l’économie. Cette maladie menace aussi  le renouveau économique des Etats. Les gouvernements des Etats les plus touchés font appel au soutien financier de la communauté internationale et à  l’ingénierie médicale des grandes puissances pour lutter contre  la  propagation du virus afin de protéger les hommes, de guérir les malades mais aussi de sauvegarder l’économie. Est-ce cependant une solution durable ?

Pour pouvoir traiter le mal à la racine, faut-il d’abord  penser qu’Ebola menace  le  décollage économique  des pays africains ou plutôt qu’Ebola en Afrique n’est  que la manifestation sanitaire des politiques de prédation qui ont détruit les corps sociaux? Comment lutter donc efficacement contre cette maladie et comment la vaincre ? Suffit-il de faire   appel à l’aide médicale et financière  extérieure et  de promouvoir des campagnes de publicité et d’information des populations   pour vaincre Ebola? Où faut-il plutôt mettre  urgemment en œuvre une vigoureuse politique  de santé publique et d’éducation nationale  couplée à une  politique de développement endogène?

Il  importe  de rappeler que, comme le sida dans un proche passé,   la fièvre hémorragique Ebola  est apparue et s’est diffusée dans des pays où avaient sévi des guerres civiles et des politiques de prédation ayant causé la division interne du corps social et son affaiblissement généralisé. Des conditions sanitaires, sociales, économiques et politiques qui favorisent  la diffusion et l’expansion du virus s’y étaient réalisées. Comme le sida, Ebola a  émergé  et sévi   dans des pays aux infrastructures économiques en ruine, au tissu social déchiré et aux structures politiques détruites.  La crise de  santé  publique fut la conséquence d’un désastre économique généré par une faillite politique. La population est décimée par un virus inconnu surgissant des décombres  du corps social  et de la décomposition du corps politique.

N’est-il pas, en effet,  éclairant que dans les Etats structurés  des  démocraties libérales représentatives,  comme le montrent les exemples de l’Espagne, de la France ou des Etats-Unis, en ce moment,  le risque  d’Ebola mobilise les pouvoirs publics, met  en branle la recherche scientifique et médicale  de la nation pour briser le virus!  Dans les Etats-nation démocratiques,  l’activité convergente de la responsabilité politique et de l’ingénierie scientifique et médicale du corps social permet de lutter contre le virus   et de vaincre la maladie. C’est une individualité  sociale et politique  qui mobilise ses ressources et ses défenses immunitaires pour circonscrire et éliminer une agression virale qui menace de l’anéantir en neutralisant et en tuant tout ses membres. Cette responsabilité politique citoyenne, partagée  par l’Etat et  par la société civile, constitue l’antidote le plus efficace contre Ebola. Faut-il pour cela  voir dans la réalisation de ces réquisits démocratiques,  la raison minimale du succès enregistré pour le moment,  au Sénégal et en Côte d’Ivoire,   dans la lutte contre la maladie?

A la question posée par François Soudan dans Jeune Afrique du 4 0ctobre 2014 : « Pourquoi les pays africains sont-ils, comme pour le paludisme, plus exposés à ce mal ? Pourquoi est-ce en Afrique subsaharienne qu’Ebola s’enracine comme s’il y avait trouvé un terrain favorable ? »   Il ne suffit donc pas de  répondre  que c’est parce que « les services de santé ne sont pas assez développés, qu’ils manquent cruellement de moyens humains et techniques, d’un savoir faire éprouvé leur permettant de combattre un virus contre lequel il n’existe pour le moment ni vaccin ni traitement efficace » car les insuffisances en infrastructures matérielles et humaines  sont les indices d’une faillite politique.

Ebola se propage bien souvent  dans  un corps social délabré aux défenses immunitaires anéanties  par un pouvoir  politique prédateur La République Démocratique du Congo, le Liberia,  la Sierra Leone où sévit Ebola,  se relèvent de guerres civiles atroces et comme la Guinée,   ont vécu sous la férule de dictatures sanglantes qui ont laissé ces pays exsangues. L’impuissance tragique des pouvoirs publics qui héritent de ce passé catastrophique, rappelle l’urgence de la reconstruction politique  en Afrique.

La virulence mortelle  d’Ebola, maladie contre laquelle il n’existe ni vaccin ni traitement efficace  connu,  nous adresse  un message clair en Afrique. Nous devons bâtir des Etats-nations démocratiques puissants vouées au service de l’intérêt général  et à la promotion du bien vivre public, construire des sociétés civiles libres  et éduquées,  former des citoyens responsables. A défaut de réaliser urgemment cet impératif catégorique politique, nous risquons d’être anéantis par  l’attaque mortelle d’agents pathogènes inconnus contre lesquels il n’existe ni vaccins, ni traitement efficace ; ou d’être réduits  à dépendre perpétuellement de la générosité intéressée des Etats-nation démocratiques étrangers en quête de matières premières et d’espace géopolitique de domination. C’est dire le caractère vital de la  reconstruction politique actuelle des régimes africains,  qui ne doit pas être une lutte pour le pouvoir d’élites soucieuses avant tout de pérenniser leur domination de classe et de servir leurs intérêts personnels au détriment des populations !    

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