LA PROBLÉMATIQUE DE LA NATION EN CÔTE D’IVOIRE: le temps des démagogues et des imposteurs.

LA PROBLÉMATIQUE DE LA NATION EN CÔTE D'IVOIRE: le temps des démagogues et des imposteurs.

Il ne faut pas confondre la nation et l'ethnie. Ce sont deux types d'appartenances différentes.

L’ethnie est une identité collective première qui relève des communautés Gemeinschaft en Allemand). Les membres d’une communauté ethnique sont liés par le sang ont un ancêtre commun et partagent les mêmes coutumes.

La nation quant à elle  est une identité collective seconde qui relève de la société ( Gesellschaft en Allemand). Elle se construit par le brassage politique d’une diversité de communautés venues d’horizons divers, reliées, du fait de ce brassage, par un droit positif qui supplante les coutumes.

Dans les Etats modernes la Nation est fille de la République et de l’œuvre de modernisation exécutée par l’Etat pour intégrer le territoire et réaliser son unité politique.

Charles Konan Banny, une des huiles du PDCI d'Henri Konan Bédié,  s'offusque de ce que des ethno-nationalistes détenant des postes de responsabilité dans la haute administration de l'Etat ivoirien soit remerciés dans un objectif de dépouilles républicaines permettant de garantir au RHDP la poursuite sans entrave de l’œuvre de construction nationale.

Cette dénonciation relève-t-elle d’une interpellation sincère?

Est-elle motivée par les inquiétudes  d'un démocratique et d'un républicain  s'offusquant de la dérive dictatoriale d'un gouvernement?

Relève-t-elle au contraire du souci électoraliste d'un homme d'appareil  désireux de défendre les intérêts particuliers  de son parti? 

Rélève-t-elle de l'imposture et de  la démagogie propagandiste d'un acteur central de l'ethno-nationalisme en Côte d'Ivoire?

Les prises de position politique, notoirement connues, de celui qui s'offusque, dans un quotidien en ligne ivoirien, de ce que "les tabourets qu'on arrache sont les tabourets de la Nation" laissent  penser que nous sommes en face du second cas de figure. 

Quand, comme Charles Konan Banny, on défend l'ethnie contre la nation et contre la République dans un objectif patrimonialiste de pouvoir, en méconnaissant l'Intérêt général, en appelant au rassemblement des Baoulé et des chefferies contre la République (je suis Baoulé moi-même mais je me reconnais avant tout Ivoirien selon mon appartenance nationale citoyenne et non pas ethnique), on utilise le mot "nation" de manière démagogique.

La nation est fille de l’État et de la République. Elle naît au- dessus des ethnies à travers le processus d'éducation nationale qui construit entre les diverses ethnies du territoire, un sentiment et une conscience d'appartenance commune citoyenne.

La nation qui dépasse l'ethnie est produite par le travail de modernisation de la société entrepris par l’État démocratique et républicain. Les INFRASTRUCTURES, LES ROUTES ET LES ÉQUIPEMENT PUBLICS EN SONT L'EXPRESSION SYMBOLIQUE ET EMBLÉMATIQUE.

L'intégration nationale d'un État se reconnaît à la qualité de ses routes, de ses ponts et de ses équipements publics qui permettent de relier toutes les collectivités et les régions du territoire, de les rassembler et de les unir politiquement.

Dans les démocraties pluralistes, la qualité et l'abondance des infrastructures et des équipements publics, des ponts et des routes, atteste  du souci d'un Etat d'assurer à ses populations une dignité minimale des conditions de vie. Leur diffusion sur la totalité de l'étendue du territoire traduit son souci d'égalité et d'équité dans la redistribution des produits de la croissance.

Quand , après avoir été compagnon de Félix Houphouët-Boigny dont cette politique d'intégration nationale fut l'œuvre,  on nie, en une forme d'amnésie, cette évidence , en affirmant  scandaleusement avec Essy Amara ( un autre compagnon du Père de la Nation) " qu'on ne mange pas les routes et les ponts", qu'"on ne mange pas le goudron" afin de complaire au FPI antihouphouëtiste, quand on a osé affirmer cela, dis-je, on utilise le mot "nation" en tant qu'imposteur pour tromper le peuple ivoirien.

Les "tabourets qu'on arrache" à ceux qui instrumentalisent l'ethnie contre la Nation et la République sont bel et bien les "tabourets de la nation" et de la République non pas ceux de l'ethnie et des chefferies.

L'un des chiffres secrets de l'houphouëtisme fut de marier les ethnies et les chefferies à la République et à l'Etat central et non de les opposer et de les diviser.

Osons espérer qu'un jour viendra, dans notre pays, le temps où le débat critique public se concentrera sur cette thématique fondamentale (l’alliance de l'ethnie de la rationalité moderne) pour nous permettre de reconstruire notre identité nationale qu'elle a structurée.

Le Professeur Kouadio Augustin Dibi et moi-même nous y consacrons depuis un moment dans l'indifférence quasi générale.

N’est-il pas temps, dans notre jeune Nation en construction, de garantir institutionnellement l’intégrité de l’Idéal politique de Félix Houphouët-Boigny, de sa Vision, dans une cellule de réflexion scientifique consacrée à ce patrimoine national indépassable qui, telle une mémoire nationale pérenne, devrait diriger notre historicité au cours des temps ?

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