Retour d’exil de 54 pro-Gbagbo : le processus de réconciliation sera-t-il boosté ?

Ambroise Tiétié

Journaliste professionnel

au Rassemblement.

54 pro-Gbagbo dont 6 anciens ministres ont mis un terme, jeudi 31 janvier 2019, à près de 8 ans d’exil au Ghana. Ils auraient été motivés, selon leur ‘’porte-parole’’, par l’amnistie accordée par le président Alassane Ouattara à Mme Simone Gbagbo et à plus de 800 prisonniers en lien avec la crise postélectorale et par la libération annoncée de l’ancien président Laurent Gbagbo. Pour autant, on peut s’interroger : ce retour boostera-t-il le processus de réconciliation ? Eléments de réponse.

Ils sont au nombre de 54 pro-Gbagbo dont 6 ministres (Emile Guirieoulou, Koffi Koffi Lazare, LiabiDouayoua, Angèle Gnonsoa, Richard Sékré et Thomas Yao) à être rentrés en Côte d’Ivoire, le jeudi 31 janvier 2019, après 8 ans d’exil, au Ghana. C’est la dernière vague des candidats au retour au niveau des exilés pro-Gbagbo qui ont fui le pays au lendemain de la crise postélectorale qui prit fin avec la capture de l’ancien président Laurent Gbagbo, le 11 avril 2011. Ils étaient des milliers à avoir quitté le territoire par peur d’éventuelles représailles. Ils se sont retrouvés majoritairement dans des pays africains frontaliers de la Côte d’Ivoire ou un peu plus éloignés. La majorité s’est retrouvée au Ghana et au Libéria. De ces deux pays, sont venues différentes tentatives de déstabilisation du régime en place, toutes étouffées dans l’œuf. De nombreux exilés ne cachaient pas leur désir de renverser le pouvoir Ouattara. Preuve que la belligérance n’était pas éteinte, en dépit de la cessation des hostilités tacitement  induite par le changement de régime.

D’ailleurs, dans le temps, les exilés qui manifestaient l’envie de rentrer en Côte d’Ivoire étaient considérés comme des ‘’vendus’’ et des ‘’traîtres’’ à la cause. Et pourtant, beaucoup, pour ne pas dire la majorité, vivent des conditions extrêmement difficiles et éprouvantes dans les pays d’accueil. On se demande donc pourquoi ils s’imposent cette épreuve qui ressemble à une double peine : être loin de son pays et se contraindre à y demeurer. Pendant ce temps, la Côte d’Ivoire a retrouvé des couleurs et continue à panser ses plaies via le processus de réconciliation acté depuis belle lurette. Il est vrai que beaucoup reste à faire, mais il n’est pas moins vrai que, sur la route de la normalisation, des étapes ont été franchies. Surtout avec l’amnistie accordée à Simone Gbagbo, l’ancienne première dame et à des caciques de l’ancien régime.

Surtout avec l’amnistie accordée à Simone Gbagbo

C’est dans cette dynamique que la CPI a ordonné, le 15 janvier 2019, l’acquittement et la libération de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Une décision dont la Procureure de la Cour pénale internationale, la Gambienne FatouBensouda, a fait appel. Depuis hier, une nouvelle décision est venue confirmer la première, mais elle est assortie de certaines conditions. Ce qui n’altère pas la joie des partisans de celui qu’on appelle le ‘’Woody de Mama’’. Mises l’une dans l’autre, ces deux informations (retour des exilés et libération de Gbagbo et Blé) devraient constituer une bonne chose pour le processus de réconciliation. Mais, rien n’est moins sûr. Et pour cause. Chacun aura remarqué que depuis que les exilés rentrent et cela fait du monde, à ce jour, aucun n’a demandé pardon pour les torts causés ou le mal fait. Le cas le plus emblématique de cette occurrence est celui de Mme Simone Gbagbo. Depuis qu’elle est sortie de prison à la faveur de l’ordonnance d’amnistie prise par le Chef de l’État, jamais elle n’a demandé pardon aux Ivoiriens, singulièrement à ceux qu’elle aurait offensés.

Certes, il ne passe pas de jour sans que l’ancienne première dame n’exhorte ses compatriotes au pardon et à la paix. Mais, jamais, elle n’a demandé pardon aux Ivoiriens pour les torts et les erreurs commis, volontairement ou involontairement. Et, le jeudi 31 janvier 2019, aucun de ceux qui sont rentrés d’exil n’a eu des mots de contrition ou de repentance. Au contraire, s’ils ont exprimé leur joie de retourner au bercail, ils ont aussi dit qu’ils sont surtout venus accueillir leur ‘’champion’’ Laurent Gbagbo. ‘’Nous sommes heureux de rentrer dans notre pays après huit années d’exil. Nous avons décidé de rentrer parce que nous avons appris de bonnes nouvelles et pour nous, le meilleur est que notre chef, le président Laurent Gbagbo, a été acquitté par la CPI. Nous avons donc estimé que nous n’avons plus besoin de rester en exil. Nous rentrons pour attendre et accueillir le président Laurent Gbagbo’’, s’est extasié l’ancien ministre de l’Intérieur Emile Guirieoulou. Tout se passe donc comme si les exilés pro-Gbagbo s’étaient retrouvés à l’extérieur de leur pays comme ça. Comme s’ils n’avaient rien à se reprocher.

Tout se passe donc comme si les exilés n’avaient rien à se reprocher

Ce qui est loin de la réalité, d’autant que ceux qui n’avaient rien à se reprocher sont restés au pays. Puisqu’ils n’avaient rien à craindre. D’ailleurs, la majorité des exilés est connue pour avoir eu une attitude pour le moins répréhensible et blâmable. Même si une petite poignée s’est retrouvée en exil plus par peur que parce qu’elle avait des choses à se reprocher. Ce sont ces derniers qui sont revenus en Côte d’Ivoire dès que cela a été possible. Ils n’ont pas eu besoin qu’on leur donne un luxe de garanties avant de rentrer. Au contraire de certains qui ont attendu que le pouvoir les rassure davantage et que les circonstances leur imposent le calendrier de leur retour.GOR parmi les GOR, Emile Guirieoulou peut être cité. Il dit, justement,  être venu ‘’attendre et accueillir le président Laurent Gbagbo’’. Pas un seul mot de pardon ! Et pourtant, cet homme est connu pour son extrémisme et son radicalisme. Si on peut donc se réjouir de la libération de Simone Gbagbo et des autres caciques, tout comme le retour d’exil de beaucoup d’autres peut être salué, il n’en demeure pas moins que cela ne risque pas d’impacter positivement le processus de réconciliation.De fait, comment comprendre qu’après huit années d’absence loin de la mère-patrie, suite à une crise aussi meurtrière, la première préoccupation d’Emile Guirieoulou soit d’accueillir Laurent Gbagbo ? Comme s’il revenait de vacances.

C’est la preuve, si besoin en était, que l’homme n’a pas changé et que l’exil ne lui a rien appris. Cela vaut pour Simone Ehivet qui demandait récemment à Henri Konan Bédié,  que celui-ci reconnaisse la victoire de son époux à la présidentielle 2010, s’il veut que le PDCI fasse alliance avec le FPI. On le voit donc, le temps qui passe et les épreuves endurées n’ont nullement altéré les rancœurs et les ressentiments de nombreux pro-Gbagbo qui continuent à rêver de ‘’match retour’’. Ce qui constitue une sérieuse hypothèque sur la réconciliation nationale.

AMBROISE TIETIE

 

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