Les raisons profondes de l’échec des plates-formes et des coalitions politiques dans les nouvelles démocraties africaines.

L’échec régulier, quasi métronomique, des tentatives de plates-formes et de coalitions politiques inter-partisanes dans les nouvelles démocraties pluralistes africaines ne s’explique pas exclusivement par la déficience de la culture démocratique du compromis en ces pays. Cet échec ne s’explique pas non plus par le fait que cette formule politique, courante dans les pays germaniques, soit méconnue dans la tradition politique des pays africains de l’ancien pré-carré des ex-colonisateurs français, britanniques, portugais et espagnols.

L’échec des plates-formes et des coalitions  est lié à la représentation locale que la plupart des acteurs politiques africains se font du pouvoir d’Etat, de son exercice et de sa gestion. La réussite des coalitions dans ce contexte témoigne assurément de quelques qualités d'hommes d'Etat et d'une mentalité moderniste de la part des acteurs politiques qui réussissent cette performance.

La difficulté à construire des coalitions et des plates-formes durables est déterminée par la représentation patrimonialiste du pouvoir d’Etat et par la fétichisation des partis politiques qui sévissent en nos contrées.

L’idée de coalition et de plate-forme politique est allergique aux gardes rapprochées des chefs des partis africains qui entendent toujours se partager les postes d’influences les plus juteux et les privilèges les plus substantiels que le pouvoir d’Etat comporte. Ces formules politiques impliquent toujours une redistribution aléatoire des dépouilles du pouvoir après sa conquête. Elles multiplient nécessairement le nombre des prétendants aux  positions éminentes d’influence et d’avantages dans l’appareil d’Etat, aux postes ministériels les mieux pourvus en matière de ressources et de pouvoir. Lorsque plusieurs partis s’allient pour conquérir le pouvoir d’Etat, ces postes d’influence doivent être répartis au prorata des parties prenantes de la coalition. Lorsqu’un parti politique conquiert seul le pouvoir d’Etat, ses dirigeants s’en partagent les dépouilles selon l’ordre des préséances hiérarchiques du parti.

Cet égocentrisme viscéral et cette représentation du pouvoir d’Etat comme un mât de cocagne sont  les raisons majeures du caractère problématique des coalitions politiques en Afrique. Cet égocentrisme viscéral et cette mentalité patrimonialiste, qui soumettent implacablement les coalitions politiques africaines à la force centrifuge désintégrante des ambitions et des agendas  personnels, sont des obstacles insurmontables.

Au sein de nos partis africains, les universaux fédérateurs transcendants qui permettraient de dépasser les intérêts particuliers d’appareils et les egos des dirigeants sont bien souvent inexistants. Les partis et les candidats qui s’affrontent pour la conquête du pouvoir d’Etat sont bien souvent  démunis de programmes précis, de projets sociétaux idéologiquement structurés et fondés dans des convictions politiques qui permettraient de dépasser les égos et les ambitions personnelles. Le devoir d’opposition et la dénonciation du pouvoir en place s’exerce sur le mode de la stigmatisation compulsive sans critique constructive appuyée sur un programme politique et économique alternatif précis et structuré.

 La récente rupture spectaculaire de la plate-forme de l’opposition en RDC en est l’illustration. En Côte d’Ivoire, les dispersions et les cheminements erratiques des fractions et des factions partisanes, qui s’essaient vainement à construire des plateformes et des coalitions impossibles, s’enracinent dans cette vacuité programmatique et dans cette indigence de vision et de projet sociétal. Ces exemples ne sont pas exhaustifs.

 En Afrique, au sud du Sahara, les coalitions politiques durables sont des exceptions. Lorsqu’elles parviennent à se construire, ces coalitions rares signifient, par conséquent, la maturité et la crédibilité politique des forces qui parviennent à les conclure.

 Cette performance est rendue possible par la préexistence d’un programme structuré de gouvernement et d’un projet sociétal précis. Communément partagée, cette vision fédératrice, apparemment fondée dans des convictions, permet de dépasser les égos et rend possible les compromis entre les parties prenantes de la coalition.

 Le RHDP, en Côte d’Ivoire, est l’une de ces exceptions qui confirme la règle. Partagée par une majorité d’acteurs politiques au sein du RDR et au sein du PDCI, la vision libérale et modernisatrice  houphouëtiste de l’économie, de la politique et de la société a rendu possible une coalition durable. En cette coalition, des partis et des acteurs politiques se sont respectivement affranchis de leurs intérêts particuliers d’appareils et de leurs intérêts personnels pour se rassembler dans une vision commune de la Côte d’Ivoire qui transcende les egos.

Cette performance, qui vient de passer son test d’aptitude politique en la matière devant le peuple souverain durant les récentes élections locales, est un gage de crédibilité. La réussite de la coalition reflète toujours un programme politique fédérateur d’inclusion sociale qui permet de dépasser les égoïsmes. Il est important de souligner cette exemplarité du RHDP ivoirien, en tant que coalition réussie, dans la démocratie africaine qui souffre, de manière chronique, d’une déficience de fondation programmatique des affrontements politiques inter partisans.

La quasi impossibilité des plates-formes et des coalitions politiques durables dans les nouvelles démocraties pluralistes africaines est le symptôme d’une maladie politique endémique. Elle signifie la déficience de fondation programmatique des affrontements politiques. La personnalisation obstinée de cet affrontement en est la manifestation symbolique spectaculaire.

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