"Le nationalisme, c'est d'abord la haine…Le nationalisme c'est d'abord la haine des autres" dit Romain Gary. La démocratie, régime des droits fondamentaux de la personne, ne se construit pas avec la haine car la démocratie est d'abord la reconnaissance et l'amour des autres. La démocratie est le régime de la pluralité et de la reconnaissance réciproque des altérités.
Ceux qui, en Côte d'Ivoire, prétendent être les parangons de la démocratie en tenant le discours haineux du nationalisme ethnique xénophobe sont des imposteurs. La démocratie ne saurait être représentée par la haine des autres et de l'étranger.
L'étonnante invasion de l'espace public ivoirien, ces temps – ci, par la thématique de l'invasion étrangère a un air de déjà vu. Elle survient toujours à des étapes cruciales du temps politique ivoirien telles les élections et les alternances de pouvoir.
Elle fut mobilisée dans les années 1990 par des acteurs politiques désireux de s'arroger le pouvoir d'État après la disparition de Félix Houphouët-Boigny le père de la Nation. Elle occupa la scène durant la gouvernance d'Henri Konan Bédié qui avait initié cette thématique pour prendre l'avantage sur son adversaire le plus redoutable. Déniant à Alassane Ouattara sa nationalité ivoirienne, il le désigna comme un ennemi de la Côte d'Ivoire désireux de livrer le pays aux intérêts étrangers. La thématique de l'invasion étrangère fut mobilisée dans les années 2000 jusqu'en 2011 durant la gouvernance de Laurent Gbagbo. En 2015 durant la présidentielle, cette thématique refit surface et fut le socle idéologique et programmatique d'un front du refus entre ethno-nationalistes et populistes ivoiriens rassemblés dans la vision d'une Côte d'Ivoire des autochtones.
Considérant que la prise du pouvoir en 2020 est un enjeu de guerre, ces forces réactivent avec virulence la thématique écculée de l'invasion étrangère et ses succédanés.
L'invasion étonnante de notre espace public par ces thématiques qui ont dėja fait dans notre pays, leur preuve en matière de désintégration sociale et économique de destabilisation politique, n'a donc rien de surprenant. Cette thématique de l'invasion étrangère est le programme politique central de ces bataillons de guerre qui ne sont pas, loin s'en faut, des forces démocratiques.
Tels des militaires retranchés dans une scène de combat contre des ennemis à anéantir, les ethno-nationalistes et les populistes ivoiriens en usent comme d'une arme de destruction massive pour tracer leur chemin vers le pouvoir, les privilèges et les prébendes depuis qu'elles ont délibérément remplacé, à cette fin, la politique par la guerre durant les années 1990.
La cible suprême de cet ethno-nationalisme nauséabond et déshonorant est un Dreyfus Ivoirien, chef de l'Etat démocratiquement élu à la majorité des voix depuis décembre 2010 et auteur d'un audacieux programme d'intégration nationale du territoire par la modernisation économique du pays. Aux dires des experts et des analystes du développement et selon l'avis du peuple ivoirien qui vient de vient de lui réaffirmer son accréditation en ces élections locales après la présidentielle de 2015, ce programme porterait de bons fruits et serait en passe de tenir ses promesses.
Le paradis démocratique promis aux Ivoiriens à traves le discours étonnant du séparatisme ethnique, de la désagration nationale et de la fragmentation communautaire pourrait, a contrario être un enfer.
Les thématiques identitaires qui pavent le décorum de cette critique dévoilent,aux yeux du néophyte, l'imposture démocratique qui s'y cache.
Comment le peuple ivoirien qui a déja vécu l'expérience du "paradis" ethno-nationaliste durant les deux décennies cauchemardesques passées qui ont marqué sa mémoire, aurait-il se laisser prendre au piège infantile de cette démagogies remplie d'inconséquences et de contradictions?
Est-il possible de libérer des peuples en remplaçant la politique par la guerre et en usant des techniques d'intoxication psychique pour capturer la volonté des peuples?
Comment prétendre pouvoir combattre la corruption, en être la solution tout en soutenant une dévolution patrimonialiste du pouvoir, une corruption insigne de la démocratie ?
Comment prétendre pouvoir lutter contre cette privatisation du bien public, cette confusion du privé et du public quand on en appelle au modèle communautaire de l'État qui confond par nature le privé et le public public, concentre les pouvoirs dans les mains du détenteur de l'exécutif, s'appuie sur une protection tribale du pouvoir?
Comment prétendre pouvoir apporter l'égalité aux Ivoiriens quand on veut remplacer l'hétérogénéité sociale par une homogénéité communautaire forcément discriminante et inégalitaire?
Comment prétendre pouvoir apporter la liberté aux Ivoiriens quand on voudrait remplacer l'Etat démocratique et républicain par un État communautaire qui dénie à certaines catégories sociales leurs droits élémentaires de citoyens?
Comment prétendre apporter le développement économique et la prospérité aux Ivoiriens quand on leur promet le modèle politique et social des économies de subsistance des sociétés lignagères précoloniales?
Les récentes élections locales devraient en ce sens être interprétées comme une véritable défiance et un coup de semonce de refus contestataire du bon sens du peuple ivoirien sur le camp retranché des bataillons de la guerre identitaire. Le sécrétariat exécutif de la propagande, très actifs ces temps ci, dont les artificiers ivoiriens de la thématique de l'invasion étrangère viennent de se doter, espère pouvoir contourner cette défiance populaire par la désinformation et l'agitatation subversive.
Les Ivoiriens devraient prendre acte de ce temps de la propagande, de la désinformation programmée, délibérée et systématique qui en dit long sur la nature de la démocratie promise par les bataillons du nationalisme ethnique et du populisme en Côte d'Ivoire. Cette évidence, du danger propagandiste et subvesif, devrait renforcer le devoir de vigilance citoyenne en Côte d'Ivoire.
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