Le chiffre secret de la méthodologie politique de Félix Houphouët-Boigny.

Dès que l’indépendance de la Côte d'Ivoire fut conquise, le projet du PDCI-RDA sous la direction de Félix Houphouët-Boigny, devant la tâche du développement, fut de décider d’unifier politiquement les particularismes ethniques et confessionnels du territoire ivoirien à travers la modernisation économique. Ce fut d’identifier le développement économique au processus de construction d’un Etat-national par intégration économique et politique du territoire. Félix Houphouët-Boigny s’aperçut de l’intrication de la problématique du développement et de la problématique de la nation.

 Ce fut le coup de génie du dirigeant ivoirien. Le choix de Félix Houphouët-Boigny fut de remplacer l’État colonial par un État national en intégrant la diversité ethnique du territoire par la modernisation économique. Par ce choix, l’État Ivoirien s’est défini, dès l’origine, comme un Etat unificateur et  un pouvoir serviteur de la société.

 Ce modèle politique et économique ne fut jamais remis en question en dépit  des dérives de l’usure du pouvoir qui conduisirent au passage du régime de parti-unique à celui de la démocratie multi-partisane. Exception qui confirma la règle, ce modèle ne fut récusé que lors de la parenthèse national-populiste  de 2000 et 2010 qui lui substitua un modèle communautariste avec les conséquences calamiteuses que l’on sait.  

L’exception ivoirienne s’expliquait par l’orientation progressiste et modernisatrice du nationalisme anticolonialiste,  qui eut le génie de saisir l’intrication  des problématiques du développement et de la construction de l’Etat national.

Face à la problématique du développement, d’autres Etats africains nouvellement indépendants ne s’aperçurent pas de cette intrication des deux problématiques.

 Confrontés à la diversité des particularismes ethniques et confessionnels de leurs populations, ils considérèrent, comme le souligne l’historien Elikia M’Bokolo dans son ouvrage « L’Afrique au XXème Siècle. Le continent convoité »,  que la tâche de construction de l’Etat national était secondaire parce qu’elle risquait de différer la tâche la plus urgente qu’était le développement économique. Ils séparèrent donc la tâche du développement économique et celle de la construction de l’État national en  identifiant cette dernière à l’appropriation de l’État par les communautés du territoire.

En ces Etats, les franges nationalistes des mouvements de lutte anticolonialistes choisirent de remplacer l’Etat colonial par un Etat national, en traduisant les différences ethniques et régionales dans les structures politiques. Ils tribalisèrent et régionalisèrent l’État et le pouvoir politique. Ils accentuèrent la division du territoire national et finirent par y installer des dictatures ethniques et confessionnelles quand certains s’avisèrent d’homogénéiser ethniquement ou confessionnellement l’Etat national pour affirmer les prérogatives des communautés numériquement majoritaires ou celles dites autochtones.

La Côte d’Ivoire échappa à cette dérive en choisissant la voie de l’intégration citoyenne des peuples du territoire national au moyen de la modernisation économique.

 Aujourd’hui confrontés au modèle ethnique et régionaliste de l’État national, que les nationalistes ivoiriens proposent en guise d’alternative politique, nous devons rappeler que le choix historique gagnant de la Côte d’Ivoire fut de rejeter ce modèle à l’aube de l’Indépendance.

Nous devons rappeler que le modèle de l’intégration citoyenne du territoire national au moyen de la modernisation économique est la mémoire historique et politique de notre pays. Nous devons souligner que ce modèle gagnant régente le programme et le projet sociétal du RHDP, la majorité de gouvernement qui dirige la Côte d’Ivoire après la parenthèse nationaliste qui fut fermée dans les urnes  en  2010.

L’enjeu des élections locales actuelles et de l’élection présidentielle de 2020 est de proroger cette continuité et de sauvegarder le modèle historique ivoirien d’intégration nationale par la modernisation économique et par la reforme progressiste des institutions qui permettent d’accroître la représentativité sociale du pouvoir.

 

 

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