Qui est, de nos jours, l’héritier de l’houphouëtisme en Côte d’Ivoire?

Quel est l’héritage politique légué aux Ivoiriens par le père fondateur de la Côte d'Ivoire moderne que le PDCI-RDA se devait de préserver et de renforcer? Était-ce un nationalisme modernisateur articulé par les principes républicains et démocratiques de citoyenneté, de respect de la diversité sociale et de dialogue des cultures? Était-ce un nationalisme antimoderne articulé par l'ethnicité et le refus de la diversité sociale et culturelle ? Quelle force politique est aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, dépositaire de l’houphouëtisme par le discours  et les pratiques politiques?

La problématique de l'héritage politique de l’houphouëtisme et la question de la force politique qui en est la garantie en Côte d’Ivoire doivent donc être analysées et évaluées réflexivement.

Un héritage politique en démocratie a toujours trait à la pérennité des institutions, des principes et des valeurs qui garantissent le vivre-ensemble de la diversité sociale. Cet héritage n’est pas un ensemble d’actifs immobiliers et mobiliers destinés à un héritier privé. Cet ensemble spirituel  éthique et politique,  qui exprime une certaine conception du Bien commun et un projet sociétal, est destiné à être transmis à un ensemble politique qui en perpétue la mémoire.  Le parti politique qui matérialise cet ensemble éthique dans la temporalité n’est pas une propriété privée familiale, communautaire ou factionnelle. C’est une institution de la République et une propriété publique.  Les personnes qui le dirigent sont des personnes publiques et non pas des personnes privées. Leur légitimité politique dépend de leur fidélité à cet ensemble éthique.

L’houphouëtisme est donc un système de valeurs et un projet sociétal, matérialisé par le PDCI-RDA qui en est le véhicule politique. Le peuple ivoirien en totalité était l’héritier de l’houphouëtisme à l’époque de l’Etat mobilisateur de parti-unique. Aujourd’hui, au temps de la démocratie multipartisane, l’héritier de l’houphouëtisme est la partie de la population ivoirienne qui se reconnait dans les valeurs et le projet sociétal de Félix Houphouët-Boigny.

L’houphouëtisme est un nationalisme marqué par sa référence positive à la modernité. C'est un nationalisme modernisateur libéral qui marie les cultures nationales et la rationalité économique pour construire un État national démocratique et républicain autonome, socialement intégré et économiquement performant.

Le PDCI-RDA tel que le créa Félix Houphouët-Boigny fut l’instrument opérationnel de ce nationalisme libéral qui est au service de la société globale. De nos jours, il est donné de penser que le RHDP qui s’inscrit résolument dans la continuité de ce projet et de ce programme  en est l’instrument opérationnel en Côte d’Ivoire.

 L’houphouëtisme n’est pas un nationalisme antimoderne qui dresse l’ethnicité contre la modernité, les cultures du territoire contre  l’économie moderne. L’houphouëtisme n’est pas un ethno-nationalisme. Son projet politique n’est pas de servir la communauté et de rejeter la société et l’État démocratique. Le PDCI-RDA qui le représente dans l’histoire n’est  donc pas un parti ethnonationaliste. C’est  un parti national libéral.

Les héritiers de l’houphouëtisme au sein du PDCI-RDA sont les militants et les dirigeants qui se reconnaissent dans ce national-libéralisme, en sa version conservatrice autant qu’en sa version progressiste. Leur légitimité comme héritiers de l’houphouëtisme procède du fait qu’ils en incarnent les valeurs et le projet sociétal  par le discours et la pratique politique.

Ne sont pas héritiers de l’houphouëtisme les militants et les dirigeants du PDCI-RDA qui trahissent les valeurs et le projet sociétal constitutifs de l’esprit de ce parti libéral et qui dressent  les ethnies les unes contre les autres, qui s’opposent à la modernité et la rationalité économique. Ne sont pas héritiers de l’houphouëtisme les militants et les dirigeants du PDCI-RDA qui en appellent l’homogénéisation communautaire de la société et de l’État et qui, de ce fait, cherchent à construire  des alliances avec les forces du national-populisme antilibéral donc avec les forces  anti-houphouëtistes qui récusent les valeurs et  le projet sociétal de Félix Houphouët-Boigny.

L’aptitude à être dépositaire de l’héritage de l’houphouëtisme ne procède nullement de la proximité physique ou familiale avec Félix Houphouët-Boigny. Elle procède de la proximité et de la fidélité spirituelle à son idée de la Côte d’Ivoire.

La  revendication de l’héritage de l’Houphouëtisme par  ceux qui, au PDCI-RDA, violent et profanent la mémoire de Félix Houphouët-Boigny, soulève la problématique du flou entretenu sur les programmes politiques et les identités partisanes et en Côte d’Ivoire. Ce flou et cette impasse que j‘ai souvent dénoncés (Cf : « Partis politiques ivoiriens, présentez-nous vos cartes d’identités ». cedea.net, 13 Novembre 2017) permettent les impostures et la privatisation des partis politiques qui deviennent des entreprises économiques privées au service d’intérêts particuliers. Cette confusion est antidémocratique. Elle joue contre la souveraineté du peuple ivoirien et favorise l’appropriation privée de l’État par des groupes d’intérêts et des factions. Il convient d’y mettre fin pour clarifier le débat politique en Côte d’Ivoire afin de sauvegarder la souveraineté du peuple.

 

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