Le Président de la République ne désigne pas son successeur dans un régime de démocratie pluraliste.

Le président de la république doit-t-il désigner  son successeur dans une démocratie pluraliste ? Évidemment non.

Le successeur du Président de la République est élu par le peuple souverain à la majorité des voix au suffrage universel au terme d’une compétition électorale où s’affrontent des programmes et des projets sociétaux incarnés par des candidats choisis par une pluralité de partis politiques.

La succession démocratique est réglée par la Constitution. Certes le président de la République peut apporter, au sein de la majorité au pouvoir, son soutien au candidat qu’il juge  être à même de mieux porter le programme et le projet sociétal du parti en raison de ses capacités et de ses aptitudes politiques, intellectuelles, technocratiques et morales.

Cette logique démocratique qui relève des usages dans les démocraties pluralistes du monde entier, explique par exemple qu’aux États Unis, l’ex-Président américain Barack Obama ait apporté son soutien à la candidate démocrate Hillary Clinton sans pour autant l’avoir arbitrairement désignée et adoubée.

La désignation nominale et arbitraire de son successeur par le chef de l’État est une pratique des démocraties de parti-unique, des dictatures, des monarchies, des royautés, des autocraties et les despotismes. Elle n’est pas une pratique des démocraties républicaines pluralistes car le peuple y est souverain.

La Côte d’Ivoire étant une démocratie républicaine pluraliste et non pas une royauté ou une monarchie, il ne peut être fait grief au Président Alassane Ouattara de ne pas avoir encore « intronisé de successeur » « à deux ans de la fin de son second quinquennat à Abidjan ».

Suggérant une « faute politique » d’Alassane Ouattara qui n’aurait pas encore « intronisé » son successeur à deux ans de la Présidentielle de 2018, le journaliste français Thomas Hoffnung (cf LeMonde 14-08-2018 : « Faisons le pari qu’Alassane Ouattara souhaite quitter le pouvoir : qui pour lui succéder ? » Thomas Hoffnung, chroniqueur du Monde Afrique) semble appréhender la problématique de la succession politique ivoirienne  selon une grille de lecture adaptée aux démocraties de parti-unique et aux dictatures.

Le schéma  personnaliste de lecture avec lequel ce journaliste français (ce n’est pas son habitude), rend compte de la compétition politique ivoirienne, fait écho aux « analyses » habituelles d’un certain nombre de journalistes politiques et de politologues ivoiriens qui réduisent la lutte politique à un affrontement personnel pour l’appropriation du pouvoir d’État.

Ces hommes des médias et ces « analystes » qui s’inquiètent de la question de la succession omirent emblématiquement de dénoncer, en raison de leur grille de lecture personnaliste, la guerre féroce de succession qui fait rage dans notre pays depuis presque quatre ans. L’ouverture précoce de la campagne électorale à presque quatre années  de l’échéance leur est apparue normale. Et pour cause ! Leur modèle politique semble  est celui de l’autocratie et de la dévolution monarchique du pouvoir par adoubement.

Ils décrivent de ce fait l’affrontement politique dans notre pays selon le modèle du jeu de foot-ball, une transposition ludique des luttes de succession prévalant dans les royautés. Sous leur plume, la dimension idéologique, programmatique et sociétale de l’affrontement politique dans une Côte d’Ivoire sous un régime de démocratie républicaine pluraliste, est purement et simplement occultée.

Cette lecture instrumentale se traduit  par une description  de stratégies et de  tactiques mobilisées par les acteurs politiques pour marquer le but décisif. Ce but consiste à conserver le pouvoir d’État ou à le transmettre à leurs clans pour en conserver les dépouilles.

Cette vision instrumentale qui applique à l’affrontement politique le modèle du match de foot-ball ou de rugby, réduit le pouvoir d’Etat à une balle qui « glisse entre les doigts » de son détenteur ou qu’il parvient à conserver au moyen de son aptitude à la ruse et au cynisme.

Absolutisant le pouvoir, cette lecture récuse implicitement le modèle démocratique au profit du modèle autocratique. Elle fait fi de la souveraineté du peuple. Elle confine les populations dans un statut de clientèle servile et de bétail électoral à la disposition des acteurs politiques qui se sont requalifiés comme dirigeants lignagers et qui sont  légitimés comme tels. Sous cette perspective le modèle communautariste est consacré comme modèle normatif de l’affrontement politique dans notre pays. Le pouvoir d’État est identifié à un patrimoine et à un trône légalement et légitimement disputé par des lignages.

Nulle part en ces « analyses » n’est soulevée la problématique de la Nation démocratique, n’est posée la question de la citoyenneté, ne sont abordées les problématiques des finalités de l’exercice du pouvoir, de l’accord ou du désaccord des positions partisanes avec le bien commun et l’intérêt général national.

La répétition obsédante des thématiques pipées de « réconciliation nationale », de « reforme quantitative de la CEI », l’indifférence à la problématique de la forme démocratique de Nation alors même que l’impartialité de cette institution dépend de la capacité de ces membres à représenter cette Nation par delà les intérêts particuliers partisans, témoignent  d’une consécration médiatique et intellectuelle du modèle autocratique. Cette déficience majeure qui met la démocratie en danger dans notre pays ,  devrait pouvoir être surmontée. (A suivre)

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