Le fiasco de la marée populaire de Mélenchon en France, cas d’école éclairant pour la Côte d’Ivoire.

Le fiasco, samedi 26 mai dernier, de "la marée populaire" promise par Mélenchon et sa "France insoumise" est un cas d'école. Il schématise, en qualité d’exemple historique, l’échec d'une tentative d'instrumentalisation politique des mouvements sociaux et des revendications syndicales par un parti populiste d’obédience révolutionnaire essayant de conquérir le pouvoir par la rue après une défaite électorale. La culture démocratique du peuple français a préservé le pays contre cette escroquerie politique. Conscients de leurs attributions respectives dans le jeu démocratique, le peuple français ainsi que la majorité des syndicats et des organisations associatives ont refusé de se prêter aux tentatives d'instrumentalisation politique perpétrées par un parti. En Côte d'Ivoire, le Front Populaire Ivoirien, un parti d’obédience populiste,  et ses diverses filiales, dont EDS est le faux-nez, sont passés maîtres dans cette escroquerie politique.

Cette succursale ivoirienne locale des partis dit « populaires », qui envisage la lutte politique selon le modèle de la révolution,  mène son combat selon la technique totalitaire d’incorporation des syndicats et des organisations  associatives (ONG). Déguisée sous ces institutions de la société civile, elle transmute les mouvements de revendication corporative et sociale en mouvements de contestation politique. Représentant une partie du peuple en tant que parti politique, elle prétend néanmoins représenter la majorité des Ivoiriens.

Par cette captation de nature totalitaire et opportuniste des mouvements sociaux, le FPI, qui fit ses classes révolutionnaires dans la clandestinité, tente constamment de maquiller en révolte populaire ses stratégies d’appareils depuis son apparition au grand jour dans les années 1990. Habitué à cette stratégie d’agitprop qui lui permit de capter le pouvoir d’Etat en 2000, il en fait son cheval de bataille politique.

Cette escroquerie politique, qui repose sur une illusion d’optique,  est  un viol perpétré contre l’esprit des institutions du conflit démocratique. Elle relève d’un mélange des genres et d’une invasion des organisations de la société civile par des éléments du système politique.

En démocratie républicaine pluraliste la société civile, la société politique et l’Etat sont séparés. Quoique coordonnés, ces sous-systèmes du corps politique opèrent selon leur logique intrinsèque respective dans la division du travail démocratique. Aux mouvements associatifs et aux ONG, est réservée la formulation des demandes et des protestations au niveau de la vie politique locale. Aux syndicats, est réservée la formulation des protestations au niveau professionnel. Aux partis politiques, est réservée la formulation des demandes et des protestations au niveau de la vie politique nationale.

Cette autonomie de fonctionnement est le garant de l’équilibre du corps politique et de la défense du bien commun. Les revendications des syndicats et des mouvements associatifs sont de nature corporative et sociale. Elles ne sont pas de nature politique. Les revendications  des partis sont de nature politique, dans la mesure où elles ont trait à une expression particulière du Bien et des valeurs entre lesquels se partage la société globale.

 Certes, leurs calendriers respectifs pouvant contextuellement coïncider, mouvements associatifs, syndicats et partis politiques,  peuvent se retrouver côte à côte dans la rue face au gouvernement. Certains syndicats, tels la CGT française base sociale du parti communiste ou  l’ex Synares, et aujourd’hui la Fesci, dont certaines branches seraient liées au FPI, sont à même de joindre leur demande corporative aux revendications politiques de type populiste et révolutionnaire d’un parti politique.

 Il n’en demeure pas moins que les mouvements des associations  civiles et des associations politiques doivent demeurer séparés et que les partis politiques doivent s’interdire de capter les revendications sociales locales et les protestations syndicales à leur profit afin d’en faire des protestations  politiques au niveau national.

Les organisations civiles et les syndicats peuvent prendre la rue pour revendiquer des demandes corporatives et associatives face aux municipalités et à l’État.  Les partis sont, quant à eux, tenus d’attendre les épisodes électoraux pour revendiquer, à travers les urnes, leur prétention à exercer le pouvoir suprême.

 L’affrontement politique national qui n’est pas, par définition et par nature, un affrontement social relatif à des demandes catégorielles, est en conséquence constitué par un affrontement de programmes et de projets sociétaux. Il s’exprime à travers le débat programmatique contradictoire.

L’absence de débat programmatique et sociétal, les appels au boycott, les mots d’ordre de mobilisation autoritaire des bases sont les indices d’une dynamique de captation instrumentale de la société civile par un certain nombre de partis politiques ivoiriens encore animés par  une culture de parti-État. (A suivre)

 

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