Parti unifié en Côte d’Ivoire. L’analyse critique du débat africain (2ème partie). L’affrontement de deux conceptions antithétiques de la démocratie.

Le débat sur le Parti unifié a révélé que deux conceptions divergentes et antithétiques de la démocratie et de l’houphouëtisme s’affrontent au sein du Rassemblement des Houphouëtistes pour la  Démocratie et Paix (RHDP).

Pour le RHDP pro-Parti unifié, représenté à ce débat par Adama Bictogo, la finalité de cette formule politique est de sauvegarder électoralement le modèle houphouëtien afin de réaliser, sur la longue durée, son programme politique économique et social. Ce programme est, somme toute, celui de la démocratie républicaine pluraliste.

Pour le RHDP anti-Parti unifié, représenté par Jean-Louis Billon, Kouadio Konan Bertin et Méité Sindou, qui demande l’abrogation du modèle Houphouëtien, cette formule politique est identifiée à un dispositif de confiscation du pouvoir, et à un retour au parti unique.

De manière paradoxale, les anti-Parti unifié prônent, en qualité d’exemple normatif, le modèle politique chinois qui permettrait de régler, en Côte d’Ivoire, le problème de l’appropriation du pouvoir auquel ils réduisent la problématique démocratique. Ce choix politique exprime un impensé autocratique, motivation profonde de la sourde attraction qu’exerce sur eux  le modèle du FPI qui est, comme on le sait, inspiré du modèle maoïste chinois.  Ainsi les anti-Parti unifié en appellent au modèle de la démocratie populaire, dirigée par la nomenklatura d’un parti-Etat sous la férule d’un homme fort.

C’est le lieu de préciser que le modèle Houphouëtien, dont Méité Sindou réclame l’abrogation, est fondé sur l’alliance des identités ethniques et de la modernité économique et politique. Cette alliance s’est réalisée historiquement sous la forme de la démocratie républicaine pluraliste. La République unifie la diversité culturelle, autrement dit l’hétérogénéité sociale dans la citoyenneté. La démocratie sauvegarde les identités et les particularités en institutionnalisant le respect des libertés fondamentales, notamment à travers le principe de limitation du pouvoir par les droits de l’homme. 

On peut donc dire, de ce point de vue, que le débat télévisé  sur le Parti unifié a délivré des enseignements capitaux  et éclairé les raisons profondes du refus de ce modèle de coalition politique par certaines des parties prenantes du RHDP.

La volonté démocratique, affichée par les anti-Parti unifié, se révèle être démagogique. Les raisons justificatrices de la rébellion de 2002 contre le nationalisme identitaire du FPI et son programme d’exclusion s’affaissent parce que  ces acteurs, qui finissent d’ailleurs par chercher à s’allier dans un objectif électoraliste avec les dirigeants du régime qu’ils avaient combattu, déclarent ouvertement avoir eu pour objectif  l’appropriation du pouvoir.

 En cette errance politique et morale, provoquée par le retournement de la relation entre fin et moyen, le discours démocratique affiché se révèle être une logomachie. La polarisation du discours sur les procédures sert alors à légitimer ou dissimuler des objectifs antipolitiques. Les membres anti-unification du RHDP aspirent à une dévolution monarchique du pouvoir par adoubement et par héritage ethno-tribal. Telle est leur conception de l’alternance du pouvoir. Elle est inspirée et déterminée par une vision oligarchique et communautaire de l’Etat et du pouvoir.

Evoquée dans ce débat, la notion d’offre politique, telle que l’entend Kouadio Konan Bertin dit KKB, consiste en fait à proposer aux Ivoiriens les diverses versions de cette  vision oligarchique du pouvoir et de l’Etat.

Ces propositions factionnelles, de type partitocratique, sont à mille lieux des offres démocratiques élaborées à partir du traitement partisan des demandes et des besoins sociaux. Elles formulent, en qualité d’offre politique, les demandes et les intérêts particuliers des factions et des appareils partisans fonctionnant en mode partitocratique à l’intérieur de la société politique ivoirienne. La demande de libération de Laurent Gbagbo, la demande d’amnistie des agents politiques et militaires de la guerre civile et la demande de réconciliation nationale relèvent de ce registre des demandes factionnelles des classes politiques, qui sont déguisées en demandes de la société et proposées en qualité d’offre politique.

Le dévoilement public de cette tromperie politique atteste les vertus du forum du débat démocratique, qui n’a rien à voir avec les formes perverties que furent les « agoras » gbagboïstes de triste mémoire du FPI. Cette vertu de révélateur photographique du forum du débat rappelle sa nécessité en Côte d’Ivoire. Notre pays souffre de cette vacance d’un forum ouvert institutionnalisé où puissent être débattues les grandes questions avant que tranchent les électeurs. Cette absence fait le lit des démagogues et favorise les impostures.

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