Côte d’Ivoire. L’analyse critique du débat Adama Bictogo, KKB, Jean-Louis Billon, Méité Sindou sur le Parti unifié : la révélation des impensés.

Le débat Adama Bictogo, Kouadio Konan Bertin, Jean-Louis Billon et Méité Sindou, sur le parti unifié, a été quasi exclusivement et comme trop souvent en notre pays, un débat procédural centré sur la problématique de la prise et du partage du pouvoir. Il a été déterminé par la guerre de succession. On s'attendait à un débat sur les raisons idéologiques et programmatiques du refus du Parti unifié par certaines parties prenantes du RHDP. Il nous a été servi un débat sur la thématique de la conquête du pouvoir.Les tentatives opérées par Adama Bictogo en vue de recentrer le débat sur la motivation programmatique et sociétale du Parti unifié, ont été systématiquement récusées par ses contradicteurs.

Ce débat a révélé aux téléspectateurs que dans l’esprit de certaines parties comme l’a illustré Méité Sindou rappelant les raisons de la rencontre de Marcoussis, l’alliance politique de l’opposition à Laurent Gbagbo avait été construite en réalité pour remplacer, au pouvoir, le FPI. Pour un certain nombre d’entre eux, il ne s’agissait pas tant de combattre son idéologie et sa gouvernance par un programme politique différent et alternatif que de prendre l'Etat à la place de Laurent Gbagbo. Les tentatives d'alliances de ces factions avec le FPI national-populiste dans les divers épisodes électoraux attestent une affinité idéologique  partagée.

Dans la vision d'un certain nombre de parties prenantes, la création du RHDP en 2005 et sa formalisation en 2014 par l’appel de Daoukro était donc un dispositif purement électoraliste et non pas une coalition idéologique et programmatique. La question de la prise du pouvoir et de son partage en était le fondement.

Néanmoins  cette vision cachait des conceptions spécifiques du pouvoir que la nature du débat a révélé par la suite. Comme nous allons le voir, le modèle autocratique et confiscatoire du Pouvoir sera érigé en modèle de référence notamment par Méité Sindou soutenu par Jean-Louis Billon contre Adama Bictogo qui en appelait au modèle démocratique occidental français pour expliquer, par analogie, la problématique ivoirienne.

Surdéterminé par la guerre de succession, le débat entre les membres du RHDP au pouvoir sur le Parti unifié à pris de manière surréaliste la forme d'un débat entre un Gouvernement et son opposition.

Dans une forme d'esbroufe, la mise en garde de Meité Sindou, dont on apprendra au cours du débat,  que son modèle de référence était le modèle politique chinois de Parti unique,  a donné le change en sommant le Président de la République de se préserver de la tentation de solliciter un troisième mandant. Faisant diversion, mais je pense personnellement que c'était un piège, KKB a quant à lui jugé légitime une éventuelle candidature de l'actuel Président de la République relativement à la Constitution.

Ainsi la problématique du Parti unifié a été exclusivement concentrée sur la problématique du pouvoir. Les raisons politiques profondes du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) ont été écartées  au profit de la problématique de la captation du pouvoir. L’attitude de Méité Sindou appellant à la fin  du « modèle houphouëtien » et prenant le modèle chinois comme modèle normatif est de ce point de vue emblématique.

Cette  référence  significative n’est pas anodine. Le modèle chinois est le modèle politique du Parti unique. Il n’existe pas de parti d'opposition en Chine. Le modèle houphouëtien,  à tout le moins après la fin du Parti unique, a cédé la  place au multipartisme et à une opposition politique juridiquement reconnue. L’appel à l’abrogation du modèle houphouëtien récuse le modèle politique libéral ivoirien : la démocratie républicaine pluraliste et ses valeurs.  

Le modèle houphouëtien est, idéologiquement, le modèle du nationalisme libéral. Méité Sindou proclame donc  la fin du nationalisme libéral ivoirien  au profit  du modèle idéologique chinois fondé sur le monopole autocratique du pouvoir et le contrôle de l'économie de marché par le parti-État. Il y a donc dissidence par rapport au modèle politique et idéologique houphouëtien.

La guerre de succession, la problématique de l’alternance, cache une volonté de remplacer un modèle politique et économique libéral et démocratique par un modèle autocratique et antilibéral.  

En Laurent Gbagbo l’adepte du maoïsme et le représentant ivoirien du nationalisme identitaire antilibéral,  les parties dissidentes du RHDP voient une référence dont elles sont elles-mêmes les diverses figures. Jean-Louis Billon est la figure du national-protectionnisme antilibéral.  Kouadio Konan Bertin dit KKB est la figure du nationalisme  identitaire. Méité Sindou qui parle au nom de son chef est  la figure autocratique du leader générationnel, du timonier et de l'homme providentiel. Ces figures anti-démocratiques ont la particularité d’absolutiser le pouvoir.

L’impensé inavoué et profond de la récusation du Parti unifié par certaines parties prenantes du RHDP  est l’anti-libéralisme et l’anti-démocratie. C’est le rejet du cordon sanitaire politique tissé en Côte d'Ivoire contre l’ethno-nationalisme et l’anti-houphouëtisme. (A suivre)

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