Présidentielle 2020 : vivement le débat programmatique et sociétal pour sauvegarder la démocratie en Côte d’Ivoire !

L’affrontement politique ivoirien doit impérativement être programmatique et sociétal. Sa dérive personnaliste favorise les impostures. Elle fait perdre de vue les enjeux centraux de la démocratie et sert de camouflage aux escroqueries politiques et aux programmes les plus dangereux. Elle exonère du nécessaire débat programmatique et sociétal sans lequel le libre choix des gouvernants par les gouvernés qui définit la démocratie est impossible.

Peut-on parler de libre-choix quand les électeurs ne savent pas quelle sera la politique économique, sociale ou internationale des élus ? De ce point de vue la réduction du débat démocratique aux discussions procédurales est une manœuvre de diversion. Ce réductionnisme qui dispense du débat programmatique et sociétal est le cache-sexe de la dérive personnaliste qui met en crise la démocratie.

L’opposition ivoirienne qui brille par sa carence programmatique projette, dit-on,  des manifestations pour réclamer une reforme de la CEI. C’est le lieu de lui rappeler qu’une CEI ne garantit guère une élection démocratique quand les électeurs vont aux urnes dans l’ignorance complète des programmes économiques, sociaux et internationaux des différents candidats qui sollicitent leurs votes. Une CEI accomplit son office démocratique quand les électeurs vont aux urnes en ayant connaissance des programmes politiques des candidats. Elle accomplit cet office quand ils ont pu se faire, grâce au débat programmatique, une idée suffisamment claire des implications et des conséquences sociales politiques et économiques de leurs choix.

Les ivoiriens ont connaissance de la politique libérale du RHDP au pouvoir et savent que c’est un gouvernement d’obédience libérale. Ils n’ont par contre, jusqu'à ce jour, aucune idée de la politique économique, sociale ou internationale de leurs partis d’opposition et aucune connaissance de leurs diverses obédiences idéologiques qui demeurent très floues. Cette confusion programmatique et idéologique est camouflée par la dérive personnaliste de notre affrontement politique.

Cette dérive ouvre la porte aux offres politiques biscornues telles la réconciliation nationale, la libération de Laurent Gbagbo, les débats procéduraux sur les institutions. Ces offres étranges ne sont ni des programmes politiques, ni des programmes sociaux, ni des programmes de politique internationale.

Après une guerre civile la réconciliation nationale est toujours judiciaire et pénale. La réconciliation politique est, quant à elle, toujours programmatique et sociétale. Elle résulte de la mise en œuvre d’une politique économique et sociale d’inclusion qui permet d’intégrer la diversité sociale. En Côte d’Ivoire des factions politiques en quête d’impunité se sont abritées sous la dérive personnaliste pour mélanger les genres entre réconciliation judiciaire et réconciliation politique, afin de semer une confusion propice à leurs intérêts factionnels.

La personnalisation du débat sur le nouveau Sénat ivoirien constitue un cas d’école de cette imposture politique. La personnalisation du débat a permis de camoufler une manœuvre d’intoxication psychologique pour le compte de tiers. On a fait du projet de Sénat une lubie du chef de l’Etat. Le débat sur la fonction démocratique de cette institution a pu être ainsi être détourné vers les arides débats procéduraux. Ce débat substantiel sur la fonction d'un Sénat en démocratie aurait pu montrer publiquement que la récusation de cette chambre haute du parlement  par certains élus locaux qui prétendent parler au nom de communautés est contradictoire.

Le nouveau Sénat a justement pour vocation d’assurer la représentation parlementaire des collectivités culturelles de notre pays dans une chambre dédiée. La démocratie républicaine ne peut pas exister sans ne soit reconnue les droits culturels et la définition ethnique des peuples. Telle est la fonction du Sénat dans les pays Africains, particulièrement là où la légitimité démocratique doit composer avec la légitimité traditionnelle, sans que ne soit mise en question la citoyenneté, indispensable à l’unité de la société globale. La personnalisation du débat politique ivoirien a camouflé le caractère factionnel de la dénonciation du Sénat

A coup de propagandes désinformatrices, on a tenté de disqualifier le projet gouvernemental d’installer un Sénat. On a proclamé l’inutilité démocratique du bicamérisme en Côte d’Ivoire, alors que la fonction institutionnelle d’un Sénat en démocratie est de permettre, au contraire, de mieux représenter la diversité sociale et d’équilibrer les pouvoirs au sein du parlement, afin d’en éviter la dérive absolutiste.

Après cette offensive idéologique, on a utilisé l’arme juridique des procédures pour récuser la légitimité démocratique du Sénat. La légalité juridique, qui est normalement le vestibule et le garant de la légitimité, a été politiquement détournée contre la légitimité pour servir des intérêts particuliers. Oblitérant cette instrumentalisation du droit, la personnalisation du débat sur le Sénat a camouflé cette arnaque politique.

Il est donc impératif, et je dirais même vital, de recentrer le débat politique ivoirien sur les idées, les programmes et les projets de société. Cette idéologisation, cette définition rationnelle de l’affrontement politique, clarifient le débat national et sauvegardent la liberté du choix politique. Ces qualités permettent de dévoiler les impostures politiques qui prospèrent dans le flou, la confusion des identités partisanes et l’absence de débat programmatique. Nous devrions être plus exigeants envers nous-mêmes et envers nos acteurs politiques, sur ce registre.

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