Côte d’Ivoire : La paix sociale, concorde ordonnée entre les parties de la cité.

Comment définir la paix des hommes? Qu’est-ce que la paix sociale ? « La paix des hommes, c’est la concorde ordonnée » dit St-Augustin dans le Livre XIX de son ouvrage  « La Cité de Dieu ». Il souligne que « la paix sociale, c’est entre les citoyens, la concorde et l’ordre de l’autorité et de la soumission ». Dans ce propos augustinien, la soumission ne signifie guère sujétion servile d’une personne à la force contraignante d’un tiers. L’autorité, comme le montrera Hannah Arendt, est un attribut personnel ou institutionnel immatériel qui renvoie à des valeurs et à des principes spirituels inconditionnellement reconnus autant par ceux qui commandent que par ceux dont la soumission est requise.

La soumission,  ainsi définie comme subordination consentie à l’autorité, signifie premièrement obéissance des membres de la cité aux valeurs transcendantes qui en sont le fondement. Elle signifie deuxièmement obéissance aux personnes qui incarnent ces valeurs et qui sont, pour cela, regardées comme des chefs. L’expression « la concorde et l’ordre de l’autorité et de la soumission » définit ce rapport social où ceux qui commandent et ceux qui obéissent aux commandements se sentent tous soumis à des valeurs supérieures qui assignent à chaque membre de la cité une position morale.  Ce rapport ordonné de l’autorité et de la soumission constitue la substance de la hiérarchie qui est, comme nous le montre Simone Weil,  un besoin vital de l’âme humaine. Dire alors que la paix sociale entre les citoyens procède de « la concorde et l’ordre de l’autorité et de la soumission » n’est donc pas récuser l’égalité de condition qui définit la modernité. Ce n’est pas non plus en appeler à la restauration des rapports inégalitaires des anciens régimes et des sociétés traditionnelles. Simone Weil, la grande philosophe des années 1930, auteure des célèbres « Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale » voit, en la hiérarchie et en l’obéissance, une caractéristique politique de la modernité et un besoin vital de l’âme.

Qu’est-ce que la hiérarchie, définie comme telle ?  La hiérarchie dit Simone Weil « est constituée par une certaine vénération, un certain dévouement à l’égard des supérieurs, considérés non pas dans leurs personnes, ni dans le pouvoir qu’ils exercent, mais comme des symboles.  Ce dont ils sont les symboles, c’est un domaine qui se trouve au dessus de tout homme et dont l’expression en ce monde est constituée par les obligations de chaque homme envers ses semblables ». L’Intérêt général, le Bien commun, le respect de la dignité humaine, de la Liberté, de l’Egalité, de la Fraternité par exemple appartiennent à ce domaine transcendant des obligations qui s’imposent à tous les membres de la cité. La vraie hiérarchie « a pour effet d’amener chacun à s’installer moralement dans la place qu’il occupe » écrit Simone Weil.

Le respect de ces obligations, de ces valeurs transcendantes par les supérieurs et les subordonnés, par les dirigeants et les dirigés, institue le rapport ordonné entre les parties de la cité dont procède la paix sociale. L’orgueil et la l’arrogance, l'avidité et la gourmandise, l’irrespect et le mépris de la dignité humaine, la négation des valeurs et le nihilisme, détruisent la vraie hiérarchie. Ils installent la démesure qui divise intérieurement la cité, sème la discorde entre ses parties et menace la paix sociale. La pérennité de la paix sociale ivoirienne dépendra de notre capacité à nous rapporter chacun à autrui selon le rapport de l’autorité et de l’obéissance et à nous installer moralement dans la place que nous occupons dans la cité

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