Le trio infernal: ultralibéralisme, nationalisme identitaire et radicalisme de gauche.

Le trio infernal définit le cercle des extrémismes constitué par  l’ultralibéralisme, le nationalisme identitaire et le radicalisme de gauche. Ce trio calamiteux  exprime éloquemment le caractère antipolitique de l’ancien monde polarisé dont le 21ième siècle appelle le dépassement.  Lié par une vision communautariste du social, ce trio singulier est lié par un consensus : le principe d’exclusion et d’unilatéralité dogmatique de type idéologique. L’ultralibéralisme prétend réaliser la liberté en niant et en excluant l’égalité. L’extrémisme de gauche  prétend  réaliser l’égalité en niant et en excluant la liberté. Le nationalisme communautaire prétend réaliser l’identité en niant et en excluant l’altérité.

Ce consensus sur l’exclusion définit le caractère infernal antipolitique et antidémocratique du trio car la politique démocratique est un espace d’affrontements de valeurs et d’intérêt sociaux divergents  qui se résolvent à travers la négociation et le compromis. La démocratie est un régime d’inclusion qui appelle à intégrer la différence. Culturellement syncrétiques, les sociétés africaines risquent d’être dévastées par la culture d’exclusion nichée au cœur de la vision du monde  de ses trois illusions. Le développement endogène du continent, enjeu de ce XXIème siècle, dépend de la capacité des sociétés africaines à se réapproprier la culture démocratique d’inclusion et à rejeter les cultures antidémocratiques d’exclusion.

Le radicalisme libéral, autrement dit l’ultralibéralisme, est antisocial. Le social est pour l’ultralibéralisme une anomalie. Sa négation est la condition du progrès économique. Adepte de la sélection darwinienne des plus forts, il réprouve  les catégories sociales vulnérables, figures de la paresse, de l’assistanat et du parasitisme social, selon sa grille de lecture idéologique. Conformément au principe de concurrence débridée qui est sa norme politique, il rejette l’égalité des socialistes  et des communistes, stigmatisés comme ennemis de la liberté.

Aveuglés, quant à eux par le sang, éblouis par sa pureté désirée  et enivrés par les senteurs du terroir, les nationalistes identitaires stigmatisent et rejettent quant à eux l’hétérogénéité, la pluralité, les étrangers, la différence. L’affirmation de l’identité, pensent-ils, passe par la négation et l’élimination  de l’altérité, figure d’invasion et de corruption. L’ordo nationaliste et identitaire rejette dans l’opprobre et voue aux gémonies, selon sa grille de lecture idéologique, les libéraux, les socialistes, et les communistes, internationalistes prêts à brader soutiennent-ils, la souveraineté nationale aux Etats étrangers. Au peuple communautaire qui nait de l’expulsion de l’étranger doit correspondre un Etat communautaire qui en est l’incarnation politique.

Illuminés, quant à eux, par l’utopie du grand soir qui restituera le pouvoir aux  dominés  à travers une démocratie directe, les extrémistes radicaux de gauche en appellent à la révolution immédiate qui permettra de briser la fiction démocratique, camouflage politique de la dictature du capital et de la finance. Tabula rasa politique, le « dégagisme » de la gauche radicale abolira les privilèges et les statuts, les hiérarchies  et les distinctions, réconciliera la culture et la nature, libéra les énergies créatrices de l’humanité et de la nature réprimées par le capital  et rassemblera  le monde dans l’égalité radicale  d’une communauté homogénéisée des égaux. Les extrémistes de gauche  rejettent et renvoie dos à dos  les socialistes  bedeaux du capital, les nationalistes, les banquiers, les entrepreneurs et  l’argent force galvano-chimique de l’aliénation universelle selon eux. L’élimination politique de ces  traîtres à la cause du peuple est la condition de la  réalisation de l’Egalité.

Les membres du trio infernal voient le monde  à travers le prisme infernal de la présence perturbatrice et dangereuse de l’ennemi qui doit être combattu et rejeté dans le monde du non-être,  pour qu’advienne un monde meilleur délivré à jamais de la contradiction et du conflit. Un ennemi n’est pas un adversaire politique mais une force hostile avec laquelle aucun compromis n’est possible. On l’éradique,  on le soumet, on le domine et on l’exclut. Dans un affrontement politique qui est en réalité une guerre d’extermination, on refuse ses valeurs et on nie ses intérêts et son être.  C’est  le principe du « eux ou nous », et non pas celui  du  « eux et nous », qui structure le combat politique tel que se le représentent les membres du trio infernal.

La finalité de ce combat, qui est un combat à la vie et à la mort, est de nier l’adversaire politique défini comme ennemi. Elle est de rejeter et non de coexister, d’éliminer la différence et non de vivre ensemble dans la reconnaissance réciproque des différences. La lutte politique, telle que la conçoivent les membres du  trio infernal, est assimilée à une guerre d’anéantissement ou la victoire est la négation de l’autre, sa soumission et sa destruction, conditions de la régénération prétendue de la société. Le combat, qui met aux prises ce trio infernal, est animé par un projet  de purification et d’exclusion. Il est, par essence, anti-démocratique.

C’est un affrontement qui ne réconcilie guère, qui n’accepte pas la complémentarité des différences, qui récuse la légitimité des positions divergentes, qui rejette la pluralité des perspectives,  pluralité qui  est justement la substance du monde. Il faut donc émanciper la politique en la libérant de la prison du trio infernal. Comment procéder pour y parvenir ? (A suivre)

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