Côte d’Ivoire : ce que le pluralisme démocratique ivoirien doit redevenir.

En Côte d’Ivoire, notre pluralisme démocratique trace obstinément son chemin sur la voie de son perfectionnement. Il est toutefois assailli par de nombreux maux qui sont loin d’être une irréversible fatalité. La mémoire de ce qu’était ce pluralisme à l’aube de l’Indépendance de notre pays, nous convainc de la contingence de cette situation pathologique. Nous pouvons y remédier en nous réappropriant, aujourd’hui, l’esprit du volontarisme démocratique et républicain qui anima les pères de notre indépendance politique et structura leur combat. Faisons donc l’état actuel des lieux pour discerner clairement l’urgence qui s’impose à nous et en imaginer les solutions.

L’obsession identitaire, l’usage de l’ethnie contre la Nation, la personnalisation de l’affrontement inter-partisan dans notre pays, l’oubli de la défense des droits au profit de la conquête du pouvoir, contredisent les archétypes de notre passé politique. Nous nous battons politiquement et nous élaborons des stratégies efficaces pour la conquête du pouvoir. Nous ne nous battons pas pour la défense des droits comme l’attestent les exemples de violation des droits humains lorsque la prise du pouvoir l’exige et la confiscation de l’Etat par les avant-gardes au détriment des populations. Nos premiers partis politiques se battirent au contraire pour conquérir le pouvoir afin de mettre l’Etat au service des populations. La Côte d’Ivoire est le pays d’Afrique Noire où ce principe de subordination de l’Etat aux besoins des populations et au service de l’intérêt général, fut la maxime suprême de l’action politique nationale.

En contradiction avec ce passé nous semblons avoir perdu de vue l’Intérêt général et le bien commun de la Nation. Les particularismes se durcissent et se ferment. L’ethnicité se sépare de la modernité. L’identité rompt avec l’Altérité et la Différence. Les intérêts particuliers se définissent contre l’Intérêt général et le Bien commun. La division de nos partis politiques en factions rivalisant pour la confiscation du pouvoir, le dévoiement subséquent du devoir de surveillance démocratique du pouvoir, en stigmatisation compulsive et permanente du gouvernement en exercice, l’absence de critique constructive et la dénonciation plate de l’action gouvernementale  témoigne d’une perte de vue de l’Intérêt général et du Bien commun.

Symboles emblématique de ce durcissement qui met en péril la relation de l’Unité et de la diversité, l’archétype de la démocratie républicaine ivoirienne, nombre d’intellectuels se sont mis au service des factions et se sont transformés en hagiographes et en apologètes, en architectes du culte de la personnalité des acteurs politiques. Ils ont tout simplement failli à leur rôle de médiateur entre les particularismes et l’universalisme.

Notre démocratie pluri-partisane risque de dérailler à nouveau si nous ne réussissons pas à la revivifier avec la mémoire de la lutte politique des pères de notre Indépendance. Il nous faut donc imaginer à cette fin ce qu’aurait dû être notre démocratie multi-partisane dès la fin du régime de parti-unique. La démocratie représentative ivoirienne était de nature socio-professionnelle. Une démocratie à représentativité communautaire s’y est substituée à la suite d’un égarement collectif. Cet égarement collectif qui se caractérise par la confusion du débat politique et par sa polarisation sur les stratégies efficaces de la conquête du pouvoir, résulte de l’oubli des deux motivations principielles du combat anticolonialiste africain : l’Egalité et la Liberté. C’est une déviation par rapport à l’habitus de notre modernité politique.

Il faut nous donc retrouver l’esprit de notre tradition politique. Notre équation politique se pose en ces termes. Il s’agit de renaître à la mémoire de notre passé politique. En termes révolutionnaires nous devons reconstruire notre historicité républicaine et démocratique en retournant au point de départ de notre modernité politique telle qu’elle fut initiée par les pères de notre lutte pour l’Indépendance et par le plus éminent d’entre eux, Félix Houphouët Boigny, le père de notre Nation. (A suivre)

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