Le rôle institutionnel du chef du Parlement ivoirien n’est pas de s’occuper de la constitution.

Suite aux propos du Président du Président de l’Assemblée nationale appelant à l’apaisement et soulignant n’être pas intéressé par une candidature à la présidentielle 2020, l’un de ses collaborateurs a cru bon de se livrer à une explication de texte. Il ressort de cette explication que la présidentielle de 2020 est, comme l’exprime ce néologisme, une « occupation constitutionnelle » du Président de l’Assemblée nationale que ce collaborateur érige en contrôleur constitutionnel légitime  de cette date. Dans cette explication du propos du PAN, ce collaborateur en question insinue de manière absconse à travers ses hypothèses, l’allégation arbitraire selon laquelle certaines personnes, que l’on imagine aisément dans le contexte actuel, s’institueraient en « propriétaires naturels » de la date de la Présidentielle 2020. L'allégation d’appropriation privée de la date de la Présidentielle 2020  véhicule en creux cette accusation grave qui pourrait être assimilée à une diffusion de fausses nouvelles: ces personnes seraient désireuses de repousser l’élection présidentielle de 2020 à une date ultérieure selon un agenda caché que la candidature de Guillaume Soro dérange.

Que vient faire en effet dans cette explication la problématique de la défense de la constitution qui serait pour tout citoyen un droit relativement à la date électorale de 2020 ? Est-il besoin de souligner que cette date  n’a, jusqu’à ce jour,  souffert d’aucune discussion?

Dans la continuité d’une habitude bien ancrée de ce collaborateur, cette allégation fallacieuse est destinée à ébranler la crédibilité des autorités politiques ivoiriennes. Son objet est de distiller le soupçon dans le corps social ivoirien et de porter atteinte à la stabilité du pays.

Par ailleurs considérant que le contrôle de la date de la présidentielle est un droit du Président de l’Assemblée nationale qui serait établi par la Constitution, ce collaborateur sème la confusion et incite au viol du principe de la séparation des pouvoirs. Telle est en effet la signification du jargon « occupation constitutionnelle » sur lequel brode à loisir cet habitué des néologismes. En érigeant le Président de l’Assemblée Nationale en contrôleur constitutionnel de la date de  la Présidentielle de 2020, il étend indument les prérogatives institutionnelles de ce dernier qui n’est pas un citoyen lambda. Le Président de l’Assemblée nationale serait-il devenu un juge Constitutionnel ?

Cette légitimation démagogique et propagandiste incite à la confusion des rôles dans l’action publique et constituent une agression perpétrée contre la cohérence des institutions.

Les ivoiriens n’auraient-ils pas alors raison d’y voir une manœuvre destinée à dissimuler la candidature du Président de l’Assemblée à la présidentielle 2020 ? Cette candidature violerait en effet  la base constitutionnelle sur laquelle repose la démocratie représentative : celle de l’autonomie du système politique. En tant que Président en exercice de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro ne peut pas et ne doit pas être candidat à l’élection présidentielle de 2020.

La démocratie représentative est régie par le principe fondamental de la séparation des pouvoirs dont le collaborateur du chef du Parlement ivoirien devrait tenir compte.

La fonction principale du système politique démocratique et de son institution centrale le Parlement, n’est pas collaborer à la gestion du pays ou d’être un vivier dans lequel se forment les hommes d’Etat comme le souligne Alain Touraine,  l’un des grands maîtres de la sociologie politique moderne.

A moins de témoigner  de sa propre ignorance, les généralisations vagues du collaborateur du Président de l’Assemblée Nationale relativement à la nature de l’activité législatrice du Parlement  sont destinées à semer la confusion. La fonction principale du parlement  est de « faire et de modifier la loi pour qu’elle corresponde à l’état de l’opinion publique et des intérêts » (Ibid). Elle est de « dégager des principes d’unité à partir de la diversité des acteurs sociaux. ». Pour utiliser le jargon de ce collaborateur « l’occupation constitutionnelle »du Président de l’Assemblé Nationale est de s’occuper et de se préoccuper de sauvegarder la rationalité législatrice du Parlement ivoirien. Il doit s’occuper de veiller à l’élaboration de bonnes lois unifiant la diversité des intérêts sociaux. Il doit, comme sa fonction le requiert, se consacrer à l’organisation des compromis et des alliances entre groupes d’intérêts différents et à la défense des intérêts de l’Etat ivoirien.

Il ne doit pas, conformément à sa fonction de chef du Parlement, s’occuper et se préoccuper de la date de l’élection de Présidentielle de 2020 qui n’a nullement été remise en question. Il ne doit pas descendre du perchoir de l’Assemblée Nationale pour aller mobiliser « les bases sur le terrain » en qualité de partie prenante de la compétition électorale 2020. Son rôle institutionnel n’est pas d’organiser des compromis et des alliances entre différents groupes de la société politique. Son rôle institutionnel est d’organiser des compromis et des alliances entre groupes d’intérêts différents de la société civile..

Les propos de ce collaborateur du Président de l’Assemblée Nationale qui opère selon l’habitude bien ancrée du dénigrement, des injures et des attaques ad hominem sont destinés à semer le trouble dans le champ politique ivoirien et à menacer la stabilité politique du pays. Ils doivent être le plus rigoureusement dénoncés et au besoin judiciairement sanctionnés. Il y va de la stabilité politique de la Côte d’Ivoire.

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