Côte d’Ivoire: l’exigence de renaissance démocratique.

Soutenue par une société civile dynamique, informée et critique, notre pluralisme démocratique trace obstinément son chemin. Il est toutefois assailli par plusieurs maux qui sont loin d’être une irréversible fatalité. La mémoire de la nature du pluralisme démocratique ivoirien, à l’aube de l’Indépendance de notre pays, me convainc de la contingence de la situation anomique que nous traversons. Nous pouvons y remédier en nous réappropriant, aujourd’hui et dès maintenant, l’esprit et le volontarisme démocratique et républicain qui ont animé les pères de notre indépendance politique et structuré leur combat.

L’obsession identitaire de certains de nos acteurs politiques, l’usage de l’ethnie contre la Nation, la personnalisation de l’affrontement inter-partisan dans notre pays sont un viol perpétré contre  les archétypes de notre passé politique. En contradiction avec ce passé, nous semblons avoir perdu de vue l’Intérêt général et le bien commun de la Nation. Les particularismes se sont durcis et se sont fermés. La division de nos partis politiques en factions rivalisant pour la confiscation du pouvoir, le dévoiement subséquent du devoir de surveillance démocratique du pouvoir en stigmatisation compulsive et permanente du gouvernement en exercice témoignent d’une crise du sens de la Nation. L’absence de critique constructive  et la  dénonciation plate de l’action gouvernementale attestent d’une perte de vue de l’Intérêt général et du Bien commun.  Symboles de ce durcissement, qui met en péril la relation de l’Unité et de la diversité vitale pour la démocratie républicaine ivoirienne, nombre d’intellectuels se sont mis au service des factions et se sont transformés en hagiographes et en apologètes, en architectes du culte de la personnalité. Ils ont tout simplement failli à leur rôle de médiateur entre les particularismes et l’universalisme, entre les ethnies et la Nation.

 Certes, notre démocratie pluri-partisane trace obstinément son chemin depuis sa remise sur les rails de la République en décembre  2010. Mais elle risque de dérailler à nouveau si nous ne réussissons pas à la revivifier avec la mémoire de la lutte politique des pères de notre Indépendance. Il nous faut donc imaginer, à cette fin, ce qu’aurait dû être notre  démocratie multi-partisane dès la fin du régime de parti-unique. La démocratie représentative ivoirienne était de nature socio-professionnelle. La démocratie à représentativité de type communautaire s’y est substituée à la suite d’une éclipse de la raison politique ivoirienne, provoquée par une vision mercantiliste et communautariste de la fonction du parti politique. La passion de la conquête du pouvoir d’Etat qui s’installa, à l’aube du multipartisme, n’était plus motivée par une vision civique de la fonction du pouvoir, mais plutôt par une conception patrimoniale de son exercice.  Les nouveaux  acteurs politiques fondateurs des nouveaux partis politiques de l’ère du multipartisme se sont donc, à la différence de leurs ainés, définis par les identités comme représentants des lignages et des coutumes, au lieu de se définir par la citoyenneté. Ils ont restructuré leur ancrage territorial sur une base communautaire, au lieu de le restructurer sur une base socio-professionnelle et idéologique. Ce fut une déviation par rapport à l’habitus politique de notre modernité. Il nous faut donc retrouver notre tradition politique.

Notre équation politique, aujourd’hui, se pose en ces termes : il s’agit de renaître à notre passé politique. En termes révolutionnaires, nous devons reconstruire notre historicité républicaine et démocratique en retournant au point de départ de notre modernité politique telle qu’elle fut initiée par les pères de notre lutte pour l’Indépendance et par le plus éminent d’entre eux, Félix Houphouët-Boigny le père de notre Nation.

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