Côte d’Ivoire : demande de pardon et condamnation judiciaire de la criminalité politique.

Dans une République et dans une Démocratie, le personnel politique est, de par sa fonction institutionnelle, moralement, politiquement et judiciairement responsable de  la vie de la Cité, de ce s’y passe en bien ou en mal. Cette triple responsabilité des élites de décision qui dirigent la Cité est inaliénable. Elle est inhérente à leur légitimité politique. Aucun déterminisme extérieur tel la concurrence des Etats étrangers, une révolte sociale, la fluctuation du prix des matières premières sur le marché international, ne saurait les en décharger.  Après un péril qui a mis gravement en question la survie de la cité ou après les déprédations et les massacres perpétrés durant une guerre civile, les partis politiques et leurs chefs, les forces militaires et sécuritaires des différents protagonistes du conflit se doivent, pour cela, d’assumer individuellement et proportionnellement, la culpabilité politique et la culpabilité criminelle de la catastrophe. Cette assomption est le volet objectif indispensable de la réconciliation nationale et de la régénération morale du personnel politique de la Cité. La reconnaissance de la culpabilité politique et le consentement aux réparations symboliques est indispensable pour rétablir, dans la Cité,  le sens de la responsabilité et le sens de la citoyenneté, socle de la vie politique en République et en Démocratie. L’assomption de la culpabilité criminelle, le consentement à la peine et aux réparations exigées par les tribunaux réconcilie les auteurs des méfaits avec l’universalité de la Loi.

 La repentance morale dont la fonction est de réconcilier la personne avec sa propre personnalité, ce centre intérieur  incorruptible de la Loi, est la dimension subjective nécessaire  de cette régénération objective. Elle inaugure en tant que tel le processus de  régénération individuelle  dont le niveau politique et le niveau judiciaire représentent les moments objectifs. Après le moment subjectif de la repentance morale qui met la personne face à la Loi interne de sa Conscience  dans le dialogue intérieur, vient le moment objectif durant lequel elle se  doit  de répondre de sa culpabilité politique et criminelle devant des instances extérieures à sa personne, les Tribunaux judiciaires qui incarnent la Loi de la Cité et le Droit positif

De ce point de vue, la demande de pardon doit être envisagée comme un acte d’introspection car son objet est de transformer intérieurement la personne.  La repentance morale inaugure un processus de conversion et de purification intérieure qui permet de révoquer le passé et d’initier un nouveau commencement dans la cité à partir d’une décision transcendantale de la liberté intérieure. Durant cette épreuve interne, la personne choisit délibérément, in foro interno dans un pacte avec soi-même, de vivre désormais selon le Droit, de faire du respect de la Loi la maxime suprême de ses actions quotidiennes. Prisonnier  de la loi de ses membres, le vieil homme en soi  est rejeté par cette conversion interne qui rend possible l’avènement d’un nouvel homme. C’est par cette action intérieure de la liberté individuelle sur elle-même qu’est restaurée la relation normative entre les moyens et les fins. C’est par cette révolution interne de la manière de penser, que sont abandonnées l’idolâtrie du pouvoir, la mentalité du crime et la corruption politique. Cette conversion morale intérieure des personnes inaugure un nouveau départ historique dans la Cité.

La repentance morale, la demande de pardon, ne consiste donc pas en simples discours. Elle ne consiste pas à formuler de simples regrets, à déplorer en paroles dans une stratégie politicienne, les fautes et les crimes commis. Elle n’a pas vocation à transfigurer le politicien en réconciliateur national à travers des postures et des discours publics. Exercice de conversion intérieur destiné à rendre possible un nouveau départ historique, son objet ultime est de supprimer les obstacles intérieurs et extérieurs qui entravent la société. La repentance morale, la demande de pardon sincère doit donc, nécessairement, en appeler à la condamnation politique et pénale  de la criminalité politique.

Source de tous les crimes et de la corruption de la vie politique, l’idolâtrie du pouvoir repart, au contraire,  de plus belle dans un pays lorsqu’au terme d’une guerre civile, ce nécessaire processus de régénération personnelle et collectif est dévoyé en ses diverses étapes. L’hypocrisie morale qui sape à la base les fondations éthiques de la cité s’accentue, quand la repentance morale  est politiquement instrumentalisée pour servir des ambitions personnelles  dans la lutte pour le pouvoir. L’idolâtrie du pouvoir, l’irresponsabilité et la criminalité politiques se renforcent dans un pays, lorsque les acteurs politiques s’enferment dans le dénie de leur culpabilité politique, récusent leur culpabilité criminelle, s’ingénient à s’aménager une impunité, contestent les Tribunaux, en appellent à l’élargissement judiciaire de tous les inculpés dans une perspective électoraliste qui satisfait des stratégies personnelles et des stratégies d’appareils.

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