Côte d’Ivoire: soutien de Laurent Gbagbo par certains courants de la gauche française : Voici les deux motivations profondes.

  1. Une figure perverse et sournoise du néo-colonialisme

Le soutien résolu apporté au nationaliste ivoirien Laurent Gbagbo par certains courants de la gauche française est structuré par une logique subtile. Cette dernière est toute en nuances et en perspectives. Sa compréhension requiert de l’esprit critique et du sens politique. La consécration de Laurent Gbagbo comme acteur politique de gauche par ces courants de l’extrême gauche française, la mise à disposition de leurs réseaux est motivée par des considérations de politique intérieure hexagonale. Elle n’est pas motivée par des considérations démocratiques, humanitaires, altruistes et universalistes. Elle s’inscrit dans le combat politique de ces gauches contre la droite et contre le socialisme réformiste en France. Décernant un brevet de gauchisme au nationaliste ivoirien Laurent Gbagbo et mettant à sa disposition leurs  divers réseaux, ces gauches extrêmes instrumentalisent les problématiques politiques africaines pour servir leurs objectifs partisans dans le combat politique hexagonal. Dénonçant l’interventionnisme néocolonialiste de l’Etat français en Afrique, elles veulent mettre en cause la politique de la droite française en Afrique pour la délégitimer en France afin d’y établir le leadership politique de la gauche extrême et assurer l’impérium de son orthodoxie idéologique. Disons-le rondement : Il s’agit de promouvoir le nationalisme identitaire en Afrique pour servir les intérêts idéologiques et politiques de l’extrême gauche en France et en Europe.

La dénonciation du néo-colonialisme de l’Etat français en Afrique par cette gauche extrême française s’inscrit dans le cadre de sa lutte globale contre le capitalisme expansionniste et contre ses superstructures politiques, à savoir la démocratie dite bourgeoise et ses valeurs. Les Etats africains et les différentes forces politiques locales qui se réclament du libéralisme économique sont ciblés en tant que vecteurs et succursales du capitalisme occidental  en Afrique. Le projet politique de la gauche extrême française qui veut reconquérir le leadership politique et idéologique en France  doit régenter la politique africaine, car l’Afrique est aussi le terrain secondaire où se déroule le combat politique hexagonal entre la droite et la gauche française. Cette instrumentalisation et cet interventionnisme qui font peu de cas de la souveraineté des peuples africains auxquels des factions de la gauche française s’ingénient inlassablement à imposer des régimes et des choix politiques conformes à leurs orthodoxies idéologiques et leurs dogmes est une figure perverse et sournoise du néo-colonialisme.

  1. Le soutien à l’anti-démocratie et au passéisme

La dénonciation du néo-colonialisme de l’Etat français en Afrique et le soutien apporté aux nationalistes africains par les réseaux de l’extrême gauche française n’obéit donc pas à une volonté de promouvoir la démocratie et la République en Afrique. Selon l’apriori idéologique de l’extrême gauche française, la démocratie demeure encore bourgeoise de nos jours et elle est, en tant que telle, une superstructure politique et idéologique du capitalisme. Aux yeux des gauchistes français, soutiens du nationaliste Laurent Gbagbo, l’Etat postcolonial africain en ses diverses formes est illégitime. L’émancipation politique, sociale et économique des Africains passe par sa destruction et son remplacement par  les formes politiques, économiques et sociales du passé précolonial africain qui sont, selon eux, les modèles normatifs pour l’Afrique. Le soutien apporté aux ethno-nationalistes africains estampillés du sigle socialiste vise à permettre de restaurer ces formes précoloniales africaines qui furent abattues par la colonisation, expression de l’impérialisme capitaliste.

Pour les courants extrémistes de la gauche française, le nationaliste africain qui en appelle aux identités primordiales, et qui combat pour la restauration des  modèles politiques du passé, est un libérateur. En Afrique, le nationalisme leur apparaît donc une force de progrès. Ils considèrent que le nationalisme est en France une force de réaction, une antithèse radicale du patriotisme. Mais ils jugent que  le nationalisme est identique au patriotisme en Afrique parce que les communautés culturelles précoloniales sont des nations. Conformément à leur prisme idéologique, l’Etat précolonial africain de forme communautaire incarne politiquement ces nations. Le nationalisme en tant que loyauté des membres de la cité aux coutumes qui en régissent le fonctionnement est donc équivalent au patriotisme. La citoyenneté républicaine serait une ruse colonialiste qui sert à détruire les mémoires culturelles des peuples africains. A la citoyenneté, il faut donc opposer la nationalité comme identité politique et comme force de contestation et de libération.

 En Europe occidentale et en France, l’extrême gauche juge que le gauchiste est le républicain qui milite pour l’Egalité et la citoyenneté, pour la défense des catégories les plus fragiles de la société, contre les hiérarchies et les privilèges de l’ancien régime. En Afrique, par contre, l’extrême gauche française considère que le nationaliste qui se revendique des coutumes, et des hiérarchies du monde précolonial contre le nouvel ordre politique établi par la colonisation  est un homme de gauche. Le progressisme africain doit être conçu comme réaction et régression vers les formes politiques et économiques du passé, comme rejet des formes politiques et économique de la modernité identifiée au capitalisme colonisateur et à ses masques.

Les royautés et les aristocraties guerrières, les empires précoloniaux doivent être réactivés au détriment de la démocratie et de la république. Ces dernières ne seraient rien d’autre que les superstructures politiques des formes économiques de la domination et de la tutelle coloniale. Le projet politique ultime qui donnera corps à l’émancipation africaine serait donc de redessiner les frontières des territoires du continent pour les conformer aux lignes de fractures  communautaires.

Au final, en raison de son prisme idéologique, l’extrême gauche française considère que le nationalisme est en Afrique une politique de gauche et un patriotisme. Ses courants légitiment le populisme identitaire et soutiennent le passéisme en Afrique. Ils cautionnent aussi les séparatismes en incitant à redessiner les frontières pour constituer des ensembles nationaux culturellement homogènes, ensemble qui furent morcelés et divisés par les frontières coloniales. (A suivre)

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