Côte d’Ivoire. Le nationalisme libéral modernisateur du PDCI-RDA originel.

PDCI et RDR : la métaphore du mariage est-elle pertinente (2ème partie)

Favorisée  par la séparation des cultures et de l’économie globalisée, la montée en puissance du nationalisme identitaire différentialiste et du populisme xénophobe est devenue, de nos jours, un problème préoccupant dans le monde. Destructeurs politiquement, socialement et économiquement, ils sont des virus mortels pour les corps politiques. Durant une quinzaine d’années terrifiantes, de 1995 en 2011, la Côte d’ivoire a vécu dans sa chair, la morsure empoisonnée de la bête immonde. Le nationalisme identitaire différentialiste a sévi dans le pays successivement sous la forme de l’ethno-nationalisme défini comme ivoirité, et sous la forme du national-populisme xénophobe camouflé sous le masque du nationalisme des mouvements de libération anticolonialiste. Les problématiques politiques ivoiriennes doivent être envisagées relativement à cette expérience historique concrète de déréliction collective.

C’est donc en regard de cette expérience vécue de l’exclusion, de la violence, de la brutalité, du malheur, de l’aliénation ultime et de la mort provoqués par le nationalisme identitaire, qu’il importe de régénérer mémoriellement le PDCI-RDA  qui avait nourri dans ses flancs la bête immonde. La nouvelle dénomination volontariste du nouveau PDCI-RDA comme Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) restructure symboliquement le parti autour des idéaux des valeurs et du projet sociétal de son fondateur Felix Houphouët Boigny, l’un des grands artisans du RDA. Cette nouvelle dénomination restaure une continuité axiologique qui avait été brisée par la crise mémorielle du PDCI-RDA. Il convient de la raffermir pour ne pas réintroduire la bête immonde sous la forme d’un nationalisme culturel et régionaliste antimoderniste. Ce travail salvateur de remémoration impose d’articuler, au nationalisme fondateur du RDA, le nationalisme dont pourraient se revendiquer les membres du PDCI et du RDR à nouveau réunis dans le RHDP.

 Le nationalisme, qui inspira la lutte anticolonialiste du RDA, ne fut pas un nationalisme communautaire fondé sur la défense d’une identité culturelle et sur le rejet de la modernité. Au RDA, la nation fut originellement envisagée comme unité de la diversité des cultures requise pour engager les sociétés traditionnelles dans la modernité. La nation fut projetée comme support de la modernisation économique. Le nationalisme du RDA fut donc un nationalisme citoyen modernisateur et universaliste fondé sur l’alliance de la culture et de la modernité. Tel fut l’esprit de la construction nationale qui anima le combat politique du PDCI-RDA originel en Côte d’Ivoire.

 De ce point de vue normatif, l’unification du PDCI et du RDR  ne doit donc pas être envisagée comme un contrat à établir entre des parties prenantes, comme négociation d’un compromis fondé sur le respect de leurs intérêts particuliers respectifs dans une logique partitocratique. La problématique d’unification du PDCI et du RDR n’est pas d’accorder deux forces politiques aux intérêts particuliers divergents en concurrence dans le partage du pouvoir. Son objet n’est pas, non plus, de déterminer leur préséance à partir de leur antériorité génétique ou de définir leur légitimité à partir de leur poids financier. Il est, au contraire, d’unir les membres de la coalition RHDP  (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) dans les valeurs, l’idée et le projet originel du PDCI-RDA.

L’unification du PDCI et du RDR dans le RHDP doit être envisagée comme Rassemblement autour de l’idée démocratique de la nation comme unité de la diversité des cultures dans la citoyenneté. Le nationalisme, dont le RHDP doit se revendiquer, est un nationalisme libéral qui doit aujourd’hui se décliner comme patriotisme constitutionnel et non pas comme nationalisme communautaire. En ces formes ethnicistes, régionalistes ou confessionnelles, le nationalisme communautaire répond à des intérêts particuliers partisans en contradiction avec l’intérêt général et contrevient de ce fait au projet fondateur du PDCI-RDA originel.

Il est donc question de sauvegarder la permanence du RHDP comme héritier d’un projet démocratique d’émancipation nationale à visée universaliste. Il est question, pour les membres du RHDP, de se réapproprier et d’assumer dans le présent l’héritage idéologique, programmatique et sociétal du PDCI-RDA inspiré par le RDA. Cette vocation oblige le PDCI et le RDR à travailler à l’intégration citoyenne des cultures et de la modernisation. Elle les enjoint de se réunir dans l’idée directrice du PDCI-RDA originel afin d’imaginer, une combinaison inédite de la culture et de la nouvelle rationalité économique. L’élaboration commune de ce projet sociétal dans le RHDP constitue  l’impératif politique historique de la démocratie ivoirienne.

La tâche spécifique  de la démocratie est, comme le souligne Alain Touraine, « de combiner la rationalité économique, qui est à la fois présente et prisonnière dans l’économie globalisée et l’identité culturelle, qui risque de son côté d’être emprisonnée par les nationalismes culturels ». Le PDCI et le RDR sont pour cela  appelés à jouer, dans la responsabilité politique, leur partition commune dans le devoir démocratique de réconcilier, en Côte d’Ivoire, l’identité culturelle avec des principes universels, de la combiner avec la rationalité économique. Le programme politique adapté aux temps nouveaux qui permettra l’émancipation collective des Ivoiriens dépendra de cette capacité à promouvoir une synergie entre particularismes culturels et principes universels.

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