Le psychodrame politique français vu par les démocrates africains.

Médusés et stupéfaits, les démocrates africains assistent au psychodrame politique français ouvert par la campagne électorale en vue de la prochaine l’élection présidentielle d’Avril 2017, élection marquée par la radicalisation de l’électorat et par la dérive populiste et xénophobe d’une grande partie de la droite française. Quel spectacle la scène politique française nous donne-t-elle à voir durant ces semaines de feu et flammes ?

Nous assistons à l’âpreté des luttes d’appareil pour l’accaparement des candidatures présidentielles malgré les primaires. Nous assistons à la guerre des factions, à la polarisation des courants autour de chefs charismatiques et tutélaires. Nous ne voyons pas un affrontement de programmes intégrateurs divergents et de projets sociétaux concurrents. Cette tradition d’affrontement démocratique et républicain qui caractérisa les compétitions électorales précédentes de la Vème République a cédé la place à la personnalisation de l’affrontement politique. Nous n’assistons pas, ou très peu, à un affrontement idéologique et programmatique entre des libéraux et des socialistes répartis en diverses obédiences, entre des démocrates et des républicains. Nous assistons à un combat entre sarkozystes, juppéistes, fillonistes, lemairistes, bayrouistes, valsiens, macronistes, hamonistes, mélanchonistes, et j’en passe. Nous assistons au spectacle effarant de l’instrumentalisation de l’électorat et de sa radicalisation par des partis politiques personnalisés. Nous assistons au spectacle de son utilisation comme ressource politique au service des ambitions personnelles  de politiciens cyniques préoccupés de stratégies de conquête du pouvoir. Nous voyons la rancœur, l’acrimonie, et la volonté de vengeance déterminer le positionnement politique de certains élus au détriment de la République et de l’intérêt général. Nous voyons des investigations judiciaires documentées qui semblent accréditer l’existence de conflits d’intérêts et d’un népotisme institués au parlement français. Nous assistons à des attaques politiciennes contre les médias et contre la justice. Nous voyons une partie de la droite républicaine céder, par calcul électoral, à la tentation récurrente du nationalisme identitaire. Etonnés, nous assistons au virage nationaliste de cette faction. Et nous la voyons faire de la défense identitaire un critère de légitimité politique et un instrument de reconquête du pouvoir d’Etat. Nous assistons au spectacle affligeant du clientélisme politique et du marchandage des postes caractérisés par de spectaculaires et cyniques retournements de veste.

 Nous assistons donc au spectacle de la crise du sentiment républicain et de l’éthique démocratique en France, crise attestée par le triomphe du radicalisme, du populisme et de la personnalisation de l’affrontement politique. Nous assistons à la crise du consensus républicain, à la polarisation de la classe politique et de l’électorat français vers les extrêmes, au refus du compromis, au rejet de l’Altérité. Nous assistons à la  marginalisation du centre, à la contestation de sa  prétention à représenter une alternative politique crédible. Nous assistons à la révocation politique du républicanisme, du patriotisme, de l’humanisme libéral universaliste comme l’atteste le blocage stratégique et la mise hors-jeu politique d’Alain Juppé et de son courant. Nous voyons des politiciens français et des électorats polarisés et radicalisés faire peu de cas de l’éthique républicaine et des valeurs démocratiques. Etonnés, nous voyons la classe politique française et notamment celle de droite, dénoncer du bout des lèvres le danger représenté par l’extrême droite mais imiter dans les faits sa stratégie, son discours,  son idéologie,  et sa vision du monde. Stupéfaits, nous voyons la droite française faire de l’extrême droite nationaliste xénophobe son modèle politique de référence. Pétrifiés, nous voyons cette droite dite Républicaine, reprendre à son compte l’iconographie antisémite des nazis et caricaturer, sur son compte Twitter, Emmanuel Macron en ploutocrate juif au nez crochu.

Nous assistons donc, lors de cette campagne électorale française 2017 à la quasi-défaite de la France citoyenne, fraternelle et égalitaire face à France nationalitaire, infraternelle et inégalitaire. De ces décombres, émerge, à nos yeux de démocrates africains, une classe politique française dont les actions s’apparentent étrangement à celle des autocrates corrompus, cyniques et sans vergogne de nos latitudes. Nous voyons émerger un régime politique qui ressemble aux partitocraties et aux régimes nationalitaires xénophobes et inhumains que nous combattons en Afrique.

Cette coupable dérive, disqualifie la prétention de la France à être une référence en matière de démocratie. Elle obère son universalisme et remet en question sa crédibilité politique et morale. Le psychodrame politique français révèle la nature dérisoire des habituelles admonestations et des récurrents conseils en matière de démocratie et de république que les élus français prétendent administrer aux politiciens africains. En regard du principe d’exemplarité, quelle valeur attribuer désormais au contenu du fameux rapport des parlementaires français sur la problématique de la réconciliation en Côte d’Ivoire, quand les élus français  reproduisent chez eux les tares  qu’ils dénoncent ailleurs en Afrique?

Jointe au tremblement de terre politique que fut l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, cette faillite de la classe politique française doit renforcer la détermination des démocrates africains à mener le combat démocratique pour faire de l’Afrique une terre d’exemplarité démocratique et républicaine. C’est en ce sens que le XXIème sera Africain. La tragédie politique américaine et la chute possible de la France dans le populisme identitaire ne doivent pas définir le nationalisme, la fermeture identitaire, le protectionnisme et la xénophobie comme de nouveaux paradigmes politiques à imiter en Afrique. Racines de l’aventure coloniale occidentale, qui mena au début du XIXème siècle à l’assujettissement des Africains, ces pathologies  doivent représenter pour les Africains des repoussoirs absolus qui les incitent à combattre avec détermination pour la liberté et la reconnaissance de l’Autre. La dérive nationaliste et identitaire occidentale n’invite pas les Africains à imiter ce modèle de régression politique économique et sociale. Elle les appelle, au contraire, à le rejeter pour  construire, à travers un syncrétisme intelligent, un nouveau modèle politique alliant les valeurs positives de la démocratie libérale et républicaine aux valeurs de solidarité et de refus de l’aliénation puisées dans l’esprit et le génie créateur immémorial des cultures africaines.

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