Les leçons de la reddition démocratique du dictateur Yahya Jammeh.

thumb_1929Dans le contexte de la montée des populismes identitaires et de l’illibéralisme démocratique en Afrique et dans le monde, le dictateur Yahya Jammeh s’est pourtant rendu au verdict des urnes, en Gambie. Le pays vient donc de tourner la page de l’autocratie grâce à la décision historique de l’ex-président Yahya Jammeh. Le dictateur gambien qui s’estimait dépositaire du pouvoir suprême, par droit mystique et divin, a cependant accepté de reconnaître humblement sa défaite électorale, par la voie des urnes démocratiques, face à son opposant. Cette décision salutaire, initie un nouveau commencement politique en Gambie. Par son exemplarité, elle pourrait briser la fatalité des logiques confiscatoires qui obèrent l’alternance démocratique du pouvoir en Afrique Noire.

Les Africains doivent donc prendre la mesure historique de la reddition démocratique du dictateur gambien. Cette reddition volontaire est un véritable tremblement de terre politique. Elle ébranle définitivement les assises de la volonté autocratique des dictateurs du continent qui, en référence au moment gambien, ne devraient plus pouvoir invoquer les déterminismes externes pour justifier leurs logiques confiscatoires après leur défaite électorale. La décision salutaire de Yahya Jammeh fera donc Date et elle doit désormais faire Loi. Il est vital que les Africains se l’approprient comme tel.

Après le fair-play démocratique de Mathieu Kérékou au Benin, après celui du Nigérian Goodluck Jonathan, ce fair-play démocratique inattendu du dictateur gambien Yahya Jammeh, prouve que l'espoir démocratique est permis en Afrique, malgré la résilience des autocratie et la menace du populisme identitaire. Cet acte de volonté démocratique du dictateur gambien, préservant son peuple et son pays d'un bain de sang prouve, s'il en était besoin, qu'exciper des causes exogènes, telle une agression néo-colonialiste, une invasion des multinationales, un complot de la communauté internationale, pour refuser le verdict des urnes est un expédient fallacieux dont usent les misérables et les imposteurs sans foi ni loi. Conscient de ses actes délictueux du proche-passé, conscient du fait que la justice internationale l’attend au tournant pour lui demander des comptes face aux nombreuses violations des droits de l’homme dont il s’est rendu coupable, conscient du fait que sa mainmise  sur le pouvoir suprême est son abri le plus sûr contre de telles poursuites judiciaires, Yahya Jammeh aurait pu brandir l’argument de la partialité de la commission électorale indépendante, du complot international pour continuer à confisquer le pouvoir. Beaucoup de dictateurs et de prédateurs politiques africains, fossiles de la guerre froide et du temps révolu des autocraties africaines, continuent de recourir à ces expédients pitoyables qui ne trompent personne sauf eux-mêmes.

Conscient de la menace judiciaire pénale qui pend au-dessus de sa tête, Yahya Jammeh a cependant accepté sa défaite électorale. Son geste exemplaire est le contrepoint critique de l’habitus politique continental des dictateurs et des autocrates qui recourent à des expédients et confisquent le pouvoir par tous les moyens afin d’échapper au couperet de la justice international. Il bat en brèche, par exemple, le geste criminel et anti-démocratique de Laurent Gbagbo et de ses complices qui préférèrent plonger la Côte d'Ivoire dans un bain de sang plutôt que de renoncer au pouvoir comme l'exigeait le verdict des urnes.

La reddition volontaire du dictateur  Yahya Jammeh à la suite de sa défaite électorale  fait  voir, de manière éclatante, que le destin de la démocratie en Afrique dépend ultimement de la volonté démocratique des acteurs politiques africains. Elle délivre donc l’enseignement suivant. L’obstacle mortelle de la démocratie en Afrique n’est ni le néo-colonialisme, ni un quelconque complot international des multinationales ou de la communauté internationale. L’obstacle mortel de la démocratie en Afrique est constitué par la volonté de confiscation du pouvoir et par la volonté de prédation de ses classes dirigeantes.

C’est une loi bien connue de l’histoire et de la métaphysique des actions humaines : Au-delà des causes externes qui influencent les protagonistes de l’action historique, le cours de l’histoire est déterminé par  les décisions et les choix délibérés de ses acteurs. Le triomphe de la liberté sur l’adversité externe passe toujours nécessairement par un triomphe de la liberté sur elle-même. Il faut d’abord se changer soi-même pour pouvoir changer l’ordre du monde. Le combat de la liberté contre l’adversité externe doit d’abord être un combat contre l’ennemi interne c’est-à-dire contre soi-même. Il n’y a pas de guerre de libération externe sans guerre de libération interne menée par  chaque combattant contre sa propre servitude interne.

Pour avoir ignoré ou méconnu cette vérité cardinale enseignée par les sagesses du monde, beaucoup d’entre les pères des Indépendances africaines, les artisans des guerres de libération et les hommes politiques africains, se sont transformés en oppresseur de leurs propres peuples, à l’exception notable de Nelson Mandela.

 Est un homme politique véritable, le politicien, dictateur ou démocrate, qui assume courageusement ses actions en bien ou en mal, qui répond de ses actions devant l’histoire. Marc Aurèle nous en donne l’exemple inaltérable. Et cette vérité s’impose d’autant plus à l’homme politique quand ce dernier est de surcroît un historien.

Le courage politique de Yahya Jammeh dénonce, de manière critique, la pleutrerie politique de Laurent Gbagbo qui tout en se revendiquant de la démocratie comme d'une cocarde, n'eut guère le courage politique de se soumettre au verdict des urnes démocratiques. Au moment où ses partisans continuent toujours de revendiquer leur prétendue "victoire" plus de cinq ans après leur défaite électorale en 2010, au point de tenter de bloquer toutes les élections en Côte d'Ivoire, il importe de leur opposer l'exemplarité du geste démocratique du dictateur gambien. Après Yahya Jammeh, les divers camouflages des logiques confiscatoires des dictateurs et des autocrates africains, sont devenus définitivement dérisoires.

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