Que faire au RHDP pour investir victorieusement l’espace démocratique ivoirien ?

thumb_1709Au RHDP, l’appréciation objective des causes politiques de la crise qui secoua la Côte d’Ivoire de 2000 à 2011, pose le problème de la restauration de la mémoire du parti. La crise qui provoqua, à l’origine, la scission du PDCI-RDA, fut une crise de sa mémoire idéologique. Cette crise mémorielle, qui entretient encore une forme de tension centrifuge au sein du parti, oblige à réinvestir les fondamentaux idéologiques du PDCI-RDA historique légué par le Père de la Nation Ivoirienne Félix Houphouët-Boigny.

L’idéologie du nationalisme modernisateur d’obédience libérale du PDCI-RDA, l’Houphouëtisme du Père de la Nation Ivoirienne, traduisit en concepts et en utopies, les besoins et les espérances démocratiques d’une société multiethnique qui aspirait à l’unité, à la liberté, à l’égalité et à la modernisation économique. Les mots de paix, de tolérance, de fraternité, de dialogue, d’unité nationale, l’appel à une Nation ivoirienne de citoyens, la célébration du métissage, la xénophilie du PDCI-RDA historique originel formulèrent les attentes profondes des forces sociales d’un pays multiplement enraciné et ouvert sur le monde. La désignation du PDCI-RDA comme parti des planteurs et des  paysans le définissait comme représentation politique d’une catégorie socio-professionnelle majoritaire. L’appel aux traditions signifia la promotion et la défense du génie créateur des diverses collectivités culturelles ivoiriennes. Elle ne se fit guère dans le sens de la défense d’identités communautaires singulières et fermées. Cette combinaison idéologique des universaux de la modernité et des traditions situait donc le nationalisme modernisateur et libéral du PDCI historique à mille lieux du nationalisme communautaire et identitaire.

L’Houphouëtisme, comme synthèse de la démocratie républicaine et de la démocratie libérale, opère la combinaison difficile de l’unité et de la multiplicité. La dimension républicaine de cette démocratie réalise l’unité de la diversité socio-culturelle à travers la citoyenneté. Sa dimension libérale accomplit la coexistence de la pluralité sociale dans le respect réciproque des particularismes. La postérité actuelle du PDCI-RDA historique se méprendrait ici gravement à interpréter cette représentation inclusive de la nation comme ethnicisation. Dans l’Houphouëtisme, l’intégration politique des ethnies fut celle des génies culturels dans la participation politique et dans production de la richesse nationale. Quoique la traduction historique de cette intention aie conduit à des égarements,  les dévoiements  doivent désormais être définitivement corrigés. L’alternance démocratique du pouvoir en Côte d’Ivoire ne doit pas être une alternance de type ethnique et régionaliste. Nous devons, en Côte d’Ivoire, être capables de nous penser en citoyens régionalement et culturellement situés. Notre définition ethnique de soi doit être conçue comme variation multiple d’un thème unique : celui d’une citoyenneté enracinée dans la multiplicité de ses mémoires culturelles.

Pour renaître pleinement à soi, le RHDP doit donc se défier du syndrome de l’ethnicisation, de la confessionnalisation et de la personnalisation du pouvoir. L’ethnicisation de la politique partisane ivoirienne résulta de la subversion de l’ethnicité à des fins politiques. Cette subversion permit d’attribuer à l’ethnicité une signification politique au lieu de respecter sa définition sociale et culturelle. La définition de soi comme ethnie exclut alors la définition de soi comme citoyen et sapa à la base, la République comme creuset du rassemblement et de l’unité d’un peuple divers. Dans une démocratie républicaine libérale, l’acteur social est un citoyen enraciné néanmoins dans une ethnie. L’identité nationale citoyenne est toujours assise sur une mémoire culturelle qui n’aspire guère à occuper le champ politique et à faire des coutumes la Loi fondamentale de l’Etat.

Le PDCI réunifié devenu RHDP doit donc se réapproprier cette conception citoyenne de la nation qui structura son « nationalisme » comme patriotisme républicain d’Etat. Le PDCI représente l’aile libérale de la coalition. Il se doit de défendre le pluralisme démocratique et la liberté individuelle. Le RDR représente l’aile républicaine de la coalition. Il se doit de défendre l’égalité et l’unité citoyenne de la nation. L’union des deux composantes du RHDP constitue la coalition comme parti de la démocratie républicaine libérale ivoirienne. La réappropriation de cette mémoire du parti est l’idée directrice de son action historique. Elle doit être normative pour le parti.

Pour être réelle et substantielle, l’unité du RHDP devra donc se construire sur le consensus de tous ses membres dans les valeurs de la démocratie républicaine et de la démocratie libérale. Le RHDP doit donc se défier tout à la fois de la représentation du parti comme coalition régionale et ethnique et comme parti de chef. Il lui faut révoquer la conception antidémocratique de la représentation politique comme incarnation de l’identité d’un peuple ethnique, au profit de la conception démocratique de la représentation comme délégation d’un mandat révocable aux élus d’une Nation de citoyens.

Pour sauvegarder l’identité partisane du RHDP, il est d’importance vitale de tenir compte de la différence et de l’antinomie idéologique et axiologique qui distinguent un parti national, républicain, démocratique et libéral, d’un parti nationalitaire, antirépublicain, antidémocratique, et illibéral,  défenseur d’une identité ethnique et tribale fermée. La pérennité du RHDP comme parti de gouvernement dans une Côte d’Ivoire culturellement, socialement, politiquement, et économiquement ouverte sur le monde en dépend. Comme l’y contraint son ADN, la coalition RHDP doit donc se situer sans équivoque comme parti national républicain et démocratique. Il y va de sa survie politique et de celle de ses composantes.

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