CEDEA

En démocratie, la légitimité de l’opposition politique est l’arc-boutant de la légitimité du gouvernement. Les deux légitimités se confirment réciproquement. Représentant la minorité électorale, le rôle politique de l’opposition est de jouer sa partition dans la construction du bien commun, de limiter le pouvoir par une critique constructive, de présenter un projet de société républicain alternatif opposable à celui du gouvernement.

Une opposition est démocratique lorsqu’elle reconnaît expressément, mezza voce, le gouvernement comme représentant légitime de la majorité électorale et partenaire politique dans le service de l’intérêt général et dans la construction du Bien commun. L’interpellation démocratique du pouvoir consiste en injonctions faites au gouvernement de respecter les droits de l’homme, de respecter les particularités, de mener une politique d’inclusion, d’unifier la diversité sociale dans la citoyenneté.
L’interpellation du pouvoir par l’opposition est démocratique lorsqu’elle lui demande de gouverner pour la nation, comprise comme majorité et minorité politiques, de servir les intérêts et les demandes des groupes sociaux minoritaires. L’opposition partisane est démocratique quand les partis représentent les intérêts de catégories sociales explicites et défendent politiquement leurs demandes face à l’Etat. L’opposition politique est démocratique lorsqu’elle ne réduit pas son rôle à contester la légitimité du gouvernement, à le stigmatiser comme ennemi du peuple, à le désigner comme représentant et serviteur d’intérêts étrangers, à le dénigrer, à le tourner en ridicule.
Pour être démocratique, l’opposition doit contester le pouvoir selon des valeurs républicaines pour le contraindre à gouverner selon les principes de l’Etat de droit. La contestation du pouvoir par l’opposition est démocratique, lorsqu’elle dévoile de manière argumentative et par des expertises concrètes, les failles d’une gouvernance qui négligerait les demandes sociales pour donner la priorité aux exigences internes de l’Etat et aux « jeux » de la politique. L’opposition au pouvoir est démocratique lorsqu’elle appelle à prendre électoralement le gouvernement sur la base d’un projet de société et d’un programme de gouvernement républicains crédibles et explicites, qui mettent à nu les failles du pouvoir sur le registre du service de l’intérêt général et du bien commun. La contestation du pouvoir par l’opposition est démocratique lorsqu’elle n’appelle pas à renverser le gouvernement par la force.
La démocratie est au contraire en danger lorsque les partis d’opposition contestent la légitimité du gouvernement en prétendant être les manifestations directes du peuple et les expressions exclusives des demandes sociales. Elle est en danger lorsque les partis politiques monopolisent et confisquent le pouvoir, envahissent la société civile et l’Etat, contrôlent les groupes sociaux, transforment toutes les associations, les syndicats, les organisations et les institutions en clientèles serviles. La démocratie est menacée lorsque la lutte politique est réduite à une compétition malsaine entre des partis politiques personnalisés qui monopolisent l’espace public, s’affrontent pour confisquer le pouvoir, appellent à l’insurrection et aux mobilisations de masses. La démocratie est en danger de mort lorsque le champ politique est confisqué par les sectateurs du nationalisme communautaire et par les séides de la lutte révolutionnaire, par les idolâtres du marché et par les adeptes de l’autoritarisme étatique qui s’affrontent en prétendant tous, représenter le peuple, détenir la légitimité et la Vérité absolue.

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