Conflit, négociation et compromis, forces de la démocratie. 1ère Partie

Assemblée Cote d'IvoireLa démocratie est structurée par le conflit, par l’affrontement des intérêts divergents des acteurs sociaux, par la contradiction entre nécessité d’accumulation du capital et exigence de redistribution des ressources. Le contrôle du Pouvoir par la société, la critique constructive des décisions et des actions du gouvernement par l’opposition, constituent l’armature du régime démocratique. La revendication des droits et la défense des intérêts dans les mouvements sociaux entretiennent la démocratie. L’expression ouverte des contradictions et la résolution institutionnelle des conflits à travers le dialogue social et le compromis la préservent.

La démocratie est au contraire mise en danger par les mouvements insurrectionnels inspirés par des factions politiques  qui cherchent à renverser le gouvernement pour s’approprier le pouvoir à partir d’une représentation identitaire ou révolutionnaire de l’Etat. Mais elle est aussi menacée quand le gouvernement sombre dans l’autoritarisme, s’installe dans une logique confiscatoire et refuse la contestation et la négociation sociales.

La condition sine qua non permettant de sauvegarder la démocratie est donc que le gouvernement, l’opposition politique et les acteurs sociaux  partagent en commun les valeurs de la République et de la Démocratie, s’approprient la culture de la contradiction,  de l’unité dialectique des contraires. Ce consensus de base empêche les conflits sociaux et politiques de monter aux extrêmes. Il garantit le compromis social qui permet de résoudre les contradictions et de réconcilier les divergences.

En démocratie, la paix sociale et la sécurité publique naissent de la contestation sociale,  de  la libre expression des conflits, et de leur traitement institutionnel par le système politique. Ce caractère essentiel définit le régime démocratique comme contraire radical des dictatures et des autocraties. Les dictatures et les autocraties vivent de l’unanimisme, de l’homogénéité des points de vue, de la soumission des consciences à l’ordre établi, du refus de la critique et de la contestation. Elles s’installent sur l’étouffement des mouvements sociaux et sur le contrôle de la société par l’Etat. La démocratie promeut, au contraire, les mouvements sociaux. Elle est animée par le conflit, l’affrontement des points de vue, la contradiction des intérêts, la contestation, la libre expression de la diversité, l’hétérogénéité des positions.

En démocratie, le développement endogène et l’inclusion de la société résultent de la résolution institutionnelle de ces contestations et de ces conflits qui construisent la vie de la cité démocratique. Les dictatures et les autocraties génèrent au  contraire de l’exclusion, du chaos et du sous-développement, du fait de l’anéantissement du conflit, du refus de la contestation, de la critique,  du rejet de l’hétérogénéité et de la diversité.

La pérennité de la démocratie dépend donc de la manière dont les acteurs politiques et sociaux se représentent le conflit, la contestation et la contradiction. Le conflit, la contestation et la contradiction des intérêts doivent être appréhendés comme étant l’expression politique de la diversité qui est la substance de la société démocratique. Le conflit politique et social ne doit pas être appréhendé comme exprimant une contradiction insurmontable entre des positions inconciliables, contradiction qui appelle le renversement et l’anéantissement de l’adversaire politique et social. La diversité ne doit pas être appréhendée comme un danger qui menace l’unité du corps social. L’attitude démocratique est de construire l’unité politique par et avec la diversité. Elle est de résoudre institutionnellement le conflit par le compromis en comprenant la légitimité des revendications  divergentes et en protégeant l’hétérogénéité des positions. L’attitude antidémocratique est de construire l’unité du corps politique en excluant la diversité et la contradiction. Elle est de résoudre le conflit par la révolution et l’insurrection, par l’élimination de la contradiction, par l’anéantissement de l’adversaire et par l’homogénéisation de la société.

En Afrique, le choix de la seconde position dans les nouvelles démocraties instituées après les révoltes sociales qui ont abattu les dictatures pose la question de la réappropriation collective des valeurs démocratiques et du consensus qu’elles fondent. On assiste au triomphe des logiques confiscatoires et révolutionnaires propres aux autocraties, aux nationalismes identitaires, et aux extrémismes. La démocratie demeure précaire lorsque les composantes du corps politique, les acteurs politiques, les acteurs sociaux et les acteurs économiques n’en partagent pas les valeurs. Elle est gravement menacée lorsque la vision du monde de ces derniers demeure structurée par la vision du monde et par les valeurs des autocraties et des dictatures. Il importe donc de définir ce que sont une gouvernance et une opposition démocratique. Qu’est-ce qu’une gouvernance démocratique ? Qu’est-ce qu’une opposition démocratique ?

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