L’appel des évêques ivoiriens au Président de la République pose problème. 2ème Partie

L’intercession de l’Eglise auprès du Président de la République en faveur de la libération des pros-Gbagbo se veut morale et humanitaire. Cet esprit exigeait pourtant du clergé catholique qu’il dénonçât clairement et sans équivoque la haine meurtrière de l'Etranger, haine si antichrétienne,  et les crimes perpétrés à ce titre durant la crise post-électorale ivoirienne. Il exigeait aussi que la haute hiérarchie de l’Eglise s’allie au clergé musulman pour porter secours, dans la mesure des possibilités qui étaient la sienne,  aux victimes des affrontements politiques comme ce fut le cas en Centrafrique. Il n'en fut malheureusement rien. En Côte d’Ivoire n’eut pas lieu l’engagement sans équivoque du clergé catholique contre les massacres politiques tel que nous le vîmes en Centrafrique. La cathédrale de Bangui abrita des musulmans pour les protéger de la furie meurtrière des groupes soit disant d’autodéfense  et « chrétiens »  antibalaka qui n’étaient rien d’autres que  les  milices criminelles des politiciens en lutte pour le pouvoir.

A Abidjan, en Côte d’Ivoire, les voix courageuses qui tentèrent au sein de l’Eglise d’arrêter le cycle de violence, telles celles de l'Evêque de Yopougon Mgr Jean Salomon Lézoutié, qui demanda solennellement à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir au profit d’Alassane Outtara pour tenter d’arrêter le cycle de violences, furent vite étouffées. Le récent ostracisme subi par Mrg Ahouana au sein du clergé catholique, suite à sa nomination par l’Etat à la tête de la Conariv, se situe dans la continuité d’un parti-pris politique de l’Eglise. Le motif implicite de cette ostracisation, la crainte d’une instrumentalisation politique de l’Eglise  par le nouveau pouvoir, aurait dû en toute justice conduire logiquement à la dénonciation de l’instrumentalisation de l’Eglise par l’ancien pouvoir en 2010. Or,  le clergé catholique ne dénonça pas cette instrumentalisation, ne prit pas de la distance envers le régime meurtrier de Laurent Gbagbo, et ne condamna pas les abominations qui se perpétraient dans  Abidjan et les régions du sud écumées par les milices du pouvoir qui se réclamaient du christianisme .(cfhttp://www.dw.com/fr/la-crise-ivoirienne-divise-l’église catholique/a-6396111).

Une partie significative des évêques ivoiriens s’était immixée dans la politique en prenant ouvertement  parti pour le candidat prétendument « chrétien ». Ils se turent  sur les crimes commis par les partisans et les milices de ce dernier. Ils assignèrent au conflit  politique ivoirien une signification confessionnelle et virent en l’ancien séminariste Laurent Gbagbo le candidat du christianisme contre le candidat de l’Islam Alassane Dramane Ouattara. L’instrumentalisation politique scandaleuse et la fétichisation païenne du christianisme par ce dernier en un palais présidentiel infesté de « prophètes » autoproclamés qui en appelaient au meurtre, à une guerre « sainte » contre des adversaires politiques qualifiés de  « suppôts de Satan », laissèrent de marbre le clergé catholique ivoirien.

Est-il besoin de souligner que Mgr Agré s'illustra de la plus triste et de la plus scandaleuse manière, durant ces jours sombres de la Côte d'Ivoire, dans son parti-pris ouvert  pour un régime Gbagbo? Quel Ivoirien ne se rappelle pas ce montage ridicule de la  fameuse colombe descendant sur la RTI, une sorte de Radio mille collines, de Brou Amessan Israël pour protéger la Côte d’Ivoire ? Quel Ivoirien ne se rappelle pas les appels au meurtre lancés par la « pentecôtiste » Simone Gbagbo et ses miliciens contre leurs adversaires politiques, en l’occurrence Alassane Dramane Ouattara et ses partisans accusés d’être les suppôts de Satan ? Quel Ivoirien  ne se rappelle pas les attaques perpétrées contre les Mosquées et les grenades jetées dans ces lieux de culte musulmans ? cf http://news.abidjan.net/h/394397.html « Décès de l’Imam Diabaté Moussa – Sa famille et le Cosim dénoncent un ‘’assassinat’’. Le silence de l’Eglise ivoirienne et son parti-pris amplifièrent les massacres de masse perpétrés par le régime-Gbagbo qui s’adossa sur l’instrumentalisation politique du christianisme pour camoufler sa défaite électorale et pour revendiquer la victoire. L’Eglise ivoirienne aurait dû, en ce moment-là, prendre clairement position contre le crime d’où qu’il vienne, intercéder en qualité d’autorité morale et spirituelle pour appeler au respect formel du résultat proclamé  des élections. Ce fut l’acte courageux de Mgr Jean Salomon Lézoutié, lequel aurait dû dénoncer plus clairement les meurtres commis par les partisans survoltés de Laurent Gbagbo. Tel aurait dû être le rôle politique de la haute hiérarchie de l’Eglise ivoirienne : celui d’une autorité morale qui intervient dans la cité pour appeler à la maîtrise des passions humaines, au respect inconditionné de la vie et de la dignité humaine par les serviteurs de l’Etat et par les membres de la société.

L’attente des vrais chrétiens ivoiriens majoritaires, qui portèrent secours à leurs compatriotes musulmans ainsi qu’à tous les ressortissants étrangers pourchassés par les escadrons de la mort, fut déçue par une coalition de clercs au sein de l’Eglise. Ces derniers prirent la lourde décision de soutenir des actes qui violaient autant l’esprit de l’Eglise que l’esprit de l’Etat ivoirien et sa laïcité. «  Tu aimeras ton prochain comme toi-même » : tel est le message d’amour et de fraternité universelle que le christianisme enseigne. « Tu ne tueras point » : telle est l’une des lois cardinales des Dix commandements de Dieu aux hommes. Complétant, en son domaine spécifique, le ministère spirituel de l’Eglise, l’Etat se pose pour cela en protecteur de la vie des hommes et de leur dignité sur la terre. Il organise la coexistence et la solidarité des hommes à l’intérieur de son dominium pour rendre possible le vivre-ensemble. La laïcité, qui n’est pas de l’athéisme contrairement à ce croient certains, et à laquelle a souscrit l’Etat ivoirien, est construite pour protéger la coexistence harmonieuse des Religions à l’intérieur de la République. 

L’appel des évêques ivoiriens au Président de la République aurait été reçu comme celle d’une Autorité morale supérieure si, durant la crise post-électorale,  l’Eglise ivoirienne avait fait preuve d’une conduite exemplaire relativement  aux valeurs d’Amour du prochain et de confraternité universelle des hommes qui régissent le christianisme ! On aurait souhaité entendre de la part de l’Eglise, durant les heures de folie meurtrière de la crise post-électorale,  une parole aussi forte que celle prononcée  par Mgr Alexis Touably, président de l’épiscopat ivoirien, le dimanche 22 Mai 2016 lors de la messe finale du pèlerinage national de Yamoussoukro : « Chrétien, ne fais pas de ton cœur une broussaille ou poussent les mauvaises herbes, mais un jardin où poussent les fleurs de l’amour, de la cohésion, de la paix et du pardon ».

L’Eglise ivoirienne doit s’amender de son engagement équivoque et catastrophique pour retrouver son Autorité auprès de tous les protagonistes de la crise post-électorale Ivoirienne. Elle doit redorer son blason terni pour pouvoir intervenir comme acteur moral et spirituel impartial de la réconciliation des cœurs en Côte d’Ivoire.

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