Contre Aqmi, l’indispensable alliance du droit et de la force en Afrique Noire. 1ère partie

Le terrorisme  africain résulte de la conjonction de deux violences historiques internes. Il résulte de la concentration de la violence des rebellions et des mouvements séparatistes nés des dictatures. L’affrontement politique des élites, dont certains n’hésitent pas à instrumentaliser le terrorisme djihadiste, a accentué cette violence. Dans ce contexte, les désillusions, l’approfondissement des inégalités, les souffrances sociales des peuples, la désespérance des jeunesses provoqués par le dévoiement de la démocratie a accru la division interne et en a potentialisé la violence. Intérieurement divisés, nous sommes dramatiquement impuissants face à cette violence endogène hostile.

En Afrique Noire le terrorisme nihiliste des nationaux qui se retournent contre leur propre société pour le détruire de l’intérieur, résulte de la concentration de la violence sociale et politique intérieure. Cette violence est récupérée par une entité exogène hostile et lancée contre les corps sociaux et les Etats. Partout, dans le monde, le terrorisme interne djihadiste relève de ce retournement de la violence et de l'injustice sociales. L’efficacité de la lutte anti-terroriste dans les Etats de droit où la démocratie est effective dans sa dimension substantielle, s’explique par l’alliance du droit et de la force qui permet de délégitimer et de briser cette énergie sombre.

L’impuissance de nos Etats à venir à bout de cette violence est donc d’ordre politique et moral. L’injustice, la culture de la violence des autocraties et des dictatures, qui continuent d’animer encore un grand nombre de démocraties formelles africaines, anéantit l’efficience des institutions avec lesquelles les Etats combattent le terrorisme djihadiste. Cet égrégore du mal né de l’injustice social et politique interne, est combattu par des armées et des services de sécurité qui furent taillés pour réprimer les libertés et les droits individuels et collectifs à l’intérieur des Etats.  Plus que la vétusté de leur matériel, cette dérogation des armées et des services de sécurité locaux, aux principes fondamentaux qui régissent l’usage de la force publique dans les démocraties républicaines, est la cause explicative ultime de leur impuissance face au terrorisme djihadiste. L’efficience de la force des armes et des services de sécurité dépend largement du respect du droit de la guerre et des règles d’humanité qui régissent l’engagement de la police et  des forces armées. A la force des armes doit se joindre la force du droit et l’autorité morale. La force militaire brute doit être augmentée par la supériorité morale et spirituelle qui réside dans le refus de la barbarie par  conviction subjective.

Le combat contre le terrorisme djihadiste est un combat de la force légitime d’un Etat supposé être de droit contre la barbarie. La violence illimitée de la barbarie doit être combattue avec l’autorité du droit et les principes d’humanité. La force mesurée du défenseur du droit et de la vie permet d’abattre la violence illimitée du criminel convaincu qui  préfère la mort à la vie. C’est parce que la vie domine la mort que le défenseur de la vie  peut vaincre l’égrégore djihadiste dans la mesure où il le combat avec les principes de la vie et de sa dignité. Le serviteur de la vie et de sa dignité abat le serviteur de la mort quand il le frappe en se tenant à un niveau de hauteur morale qui abaisse ce dernier et anéantit sa sombre énergie.

Malgré sa violence, apparemment irrésistible et invincible, le terroriste djihadiste est moralement défait. Sa célébration de la mort, devant laquelle il tremble et frémit en réalité, n’est qu’une posture. Le but de cette violence sans limite du terroriste djihadiste est de pousser celui qu’il agresse à s’abaisser et à le rejoindre dans sa défaite morale. Le terroriste djihadiste qui a trafiqué l’Islam pour habiller, d’un faux vernis de légitimité confessionnelle et de moralité, son combat démoniaque, cherche à tuer moralement et spirituellement les sociétés et les Etats qu’il agresse. Tel est le véritable enjeu de l’agression perpétrée par le terrorisme djihadiste. Le piège mortel qui signerait sa victoire est de céder à la brutalité et à la barbarie qui précipite  les Cités dans l’état de nature éthique et politique.

En Afrique Noire, le combat contre l’énergie sombre du terrorisme doit donc être mené avec les armes de la démocratie. Il faut désarticuler l’égrégore djihadiste avec les valeurs de la religion civile : la citoyenneté, le respect des droits de l’homme, de la liberté individuelle et collective, de l’égalité, de la fraternité, de l’empathie qui tissent la solidarité sociale et permettent de construire une nation. La lutte antiterroriste doit être menée avec les valeurs des religions révélées qui célèbrent la vie, enseignent l’unité des confessions, la reconnaissance de l’autre comme frère, l’Amour de l’Autre, le respect de la dignité humaine. Par-dessus tout l’arme morale décisive contre l’égrégore du terrorisme consiste pour chaque citoyen à faire de ces valeurs une conviction subjective. (A suivre)

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