La CPI juge sous la perspective des obligations de l’homme envers l’humanité.

Le Droit procède des obligations de l’homme envers l’homme.

Dans les cours pénales internationales qui siègent au-dessus des jurisprudences nationales et coutumières, des situations de fait et des rapports de force, pour juger les crimes perpétrés contre l’humanité, les procès se tiennent sous le registre des obligations de l’homme envers l’humanité.

Les victimes doivent être défendues en raison de la violation de leurs droits  fondamentaux d’êtres humains par des tiers qui n’ont pas reconnu envers elles  leurs devoirs inconditionnés d’obligés. Les accusés doivent aussi être défendus dans leurs droits fondamentaux en dépit du caractère abominable des crimes qui leur sont reprochés. Le tribunal qui siège pour défendre les droits de l’Humanité est obligé envers les accusés qui sont aussi, par-dessus tout, des êtres humains. « Il y a, écrit Simone Weil, obligation envers tout être humain du seul fait qu’il est un être humain ». L’accusé, Chef d’Etat, soldat, policier, milicien politicien ou simple citoyen est donc pénalement accusé devant une CPI pour avoir failli à son obligation envers des créatures qui étaient, par-dessus tout, des êtres humains.

Mettre en garde les Etats, les partis politiques, les groupes d’intérêt et les opinions publiques contre l’instrumentalisation politique des procès d’une CPI, c’est rappeler l’impartialité des arrêts d’un Tribunal qui siège pour défendre les droits de l’homme compris comme devoirs, comme obligations inconditionnées de l’Homme envers l’Homme. Par-dessus les Etats et les Nations, les Tribunaux Pénaux Internationaux (TPI) et les Cours Pénales Internationales (CPI) garantissent la protection de l’intégrité physique et morale de l’être humain. Cette obligation originelle donne naissance au Droit, institution fondamentale régulatrice des interactions entre les hommes dans la cité. Le droit procède de l’Obligation de respect de sa dignité qui lie originellement chaque être humain à son alter ego. Au commencement de la cité humaine est donc l’Obligation transcendante  de respect de l’humanité de l’Homme par l’homme. Les Religions expriment cette primauté  du droit comme l’Obligation à travers le mythe de l’origine surnaturelle de la table des LOIS qui descend du ciel pour être remise par Dieu aux fondateurs des cités. Le droit apparaît quand l’Obligation descend dans le domaine des faits et devient la norme des actions humaines. La déclaration des droits de l’Homme en 1789 fut en réalité la déclaration des devoirs universaux  de l’homme envers l’homme. Sous l’expression « Droits de l’Homme » il faut entendre « Obligations de l’Homme envers l’Homme ». La notion d’obligation signifie le caractère inconditionnel du respect qui est dû a priori à tout être humain.

On parle de droit quand des hommes se reconnaissent des obligations envers leurs semblables. Droits et Devoirs dans la société humaine ne désignent donc pas des réalités distinctes. « Ces mots n’expriment que des différences de points de vue »  relativement à l’obligation inconditionnée de respect réciproque de l’intégrité physique et morale de l’humain. «  Un homme considéré en lui-même, a seulement des devoirs, parmi lesquels se trouvent certains devoirs envers lui-même. Les autres considérés de son point de vue, ont seulement des droits. Il a des droits à son tour quand il est considéré du point de vue des autres, qui se reconnaissent des obligations envers lui » écrit Simone Weil. Les droits ne sont que les devoirs, autrement dit les Obligations, de l’homme envers l’homme considérées d’un point de vue objectif. « La notion d’obligation prime celle de droit, qui lui est subordonnée et relative. Un droit n’est pas efficace par lui-même, mais seulement par l’obligation à laquelle il correspond ; l’accomplissement effectif d’un droit provient non pas de celui qui le possède, mais des autres hommes qui se reconnaissent obligés à quelque chose envers lui » précise Simone Weil.

Quel est en effet l’objet du droit compris comme Obligation? «  L’objet de l’obligation  dans le domaine des choses humaines est toujours l’être humain comme tel. Il y a obligation envers tout être humain, du seul fait qu’il est un être humain, sans qu’aucune autre condition ait à intervenir et quand même lui n’en reconnaîtrait aucune » dit Simone Weil.

La notion d’obligation fait ressortir le caractère inconditionné  et transcendant  du devoir qui s’impose à chacun de respecter l’humanité en chaque être humain, fut-il le pire criminel qui ne reconnaîtrait aucune obligation. Elle met aussi en évidence la dimension de contrainte morale interne et judiciaire externe qui s’impose à chacun d’assurer la plénitude de l’existence d’autrui. L’objet du tribunal divin et des tribunaux humains est respectivement de justifier l’âme après la mort et l’homme durant sa vie terrestre relativement à cette obligation.

 La Cour Pénale internationale de La Haye, juge en ce moment les Ivoiriens Laurent Gbagbo et Blé Goudé sous le chef d’inculpation de crimes contre l’humanité relativement au droit considéré sous la perspective de cette obligation de l’homme envers l’homme. Elle appréhende les délits qui leur sont reprochés à partir d’un point de vue judiciaire qui transcende les situations de fait, les jurisprudences locales, les coutumes, les structures sociales, les rapports de force et les orientations supposées de l’histoire. Le TPI était de ce point de vue légitime pour juger Slobodan Milosevic et le libérien Charles Taylor. La condamnation légitime de ces deux ex-chefs d’Etat qui comptaient, comme Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, de nombreux partisans dans leurs pays respectifs ne déstabilisa pas des deux Etats. Elle fut au contraire une des conditions de possibilité de la réconciliation nationale en Serbie en Bosnie et au Libéria. Si Laurent Gbagbo et Blé Goudé étaient reconnus effectivement coupables des délits de crimes contre l’humanité et d’actes inhumains, qui leur sont reprochés leur condamnation pénale éventuelle ne déstabilisera pas la Côte d’Ivoire. Comme en Serbie et comme au Libéria, elle sera au contraire la condition de la pérennité de l’Etat de droit en Côte d’Ivoire. Elle sera, en ce pays, la condition de possibilité d’une réconciliation nationale véritable qui s’opéra dans un consensus fondé sur la reconnaissance des droits de l’homme comme Obligation inconditionnée.

 

 

 

 

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